tes et nous
attrapons des papillons sur les ruines de Tusculum, autour du lac
Regille, que sais-je? Les noms sont plus pompeux que les choses, mais
les choses sont charmantes, voila ce qui est certain.
Nous avons eu un temps affreux pour l'Italie, beaucoup de pluie dehors
et beaucoup de froid _a la maison_; car la temperature exterieure,
quelque privee de soleil qu'elle soit, est toujours assez douce, et les
appartements seuls sont inhabitables en cette saison. Ils sont immenses,
voutes, stuques, peints a fresque, disposes en tout pour l'ete. Rien ne
ferme et le peu de cheminee qu'on a ne sait pas chauffer. Depuis trois
jours seulement, nous avons un beau soleil, du matin au soir; mais nous
avons couru par tous les temps.
Le jour de Paques a ete aussi un beau jour tres chaud; nous l'avons
passe a Rome, ou nous avons recu la benediction _urbi et orbi_. C'est
une ceremonie tres vantee, mais qui n'est pas mise en scene avec art. Le
gout francais manque a toute chose, ici comme ailleurs. La nature s'en
moque. Elle nous prodigue les fleurs que l'on cultive dans nos jardins
avec respect. Ici, en plein desert, on marche sur le reseda, sur les
narcisses, sur les cyclamens et mille autre fleurs adorables dont je
vous fais grace, a vous qui ne connaissez que les tulipes.
Et puis je ne veux pas vous raconter d'avance tout ce dont nous
bavarderons a satiete a Nohant; car, ici, tout est different, depuis _a_
jusqu'a _z_, de ce qui est chez nous. Hommes et betes, coutumes, idees,
besoins, terre, plantes, air, c'est un autre monde. Je ne sens pas la
puissance de seduction de ce pays autant qu'on me l'avait annonce. Trop
de choses sont en desaccord avec notre maniere de voir et de sentir;
mais je reconnais qu'il est bon de l'avoir vu, ne fut-ce que pour aimer
davantage cette douce France au ciel gris, ou les hommes, si peu hommes
qu'ils soient, sont encore plus hommes que partout ailleurs.
Sur ce, bonsoir, mon vieux. Je tombe de sommeil. J'ai recu, ce soir,
votre lettre du 4 avril. Vous vous etonnez du temps qu'elles mettent a
voyager, les lettres! Ah bien, je m'etonne, moi, du contraire, a present
que je vois comment sont arrangees ici les choses les plus simples de
la vie materielle. Ne vous desolez pas de la perte de l'aigle[1]. Je le
regrette sans doute; mais, quand on recoit des nouvelles de tout son
monde, apres les malheurs qui nous ont frappes dans notre nid, on
s'estime heureux de n'avoir perdu de nouveau qu'une bestiol
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