tait. On a tant medite, que c'est devenu fort
_embetant_ et que l'on aime mieux vivre. Or, quand on a passe plusieurs
journees a regarder des urnes, des tombeaux, des cryptes, des
_colombarium_, on voudrait bien sortir un peu de la et voir la nature.
Mais, a Rome, la nature se traduit en torrents de pluie jusqu'a ce que,
tout d'un coup, viennent la chaleur ecrasante et le mauvais air. La
ville est immonde de laideur et de salete! c'est la Chatre centuplee en
grandeur; car c'est immense et orne de monuments anciens et nouveaux qui
vous cassent le nez et les yeux a chaque pas, sans vous rejouir, parce
qu'ils sont etouffes et gates par des amas de batisses informes et
miserables. On dit qu'il faut voir cela au soleil; je ne dis pas non,
mais il me semble que le soleil ne peut pas raccommoder ce qui est
hideux.
La campagne de Rome si vantee est, en effet, d'une immensite singuliere,
mais si nue, si plate, si deserte, si monotone, si triste, des lieues de
pays en prairies, dans tous les sens, qu'il y a de quoi se bruler le peu
de cervelle qu'on a conserve apres avoir vu la ville. MAIS! mais, quand
on est sorti de cette immensite plate, quand on arrive au pied des
montagnes, c'est autre chose. On entre dans le paradis, dans le
troisieme ciel. C'est la que nous sommes. Nous avons amene Maurice,
encore tout detraque, avant-hier, et, bien que nous n'ayons pas encore
eu un rayon de vrai soleil, le voila tout gaillard et passant la journee
sur ses jambes.
Le lieu ou nous sommes est si beau, si etrange, si curieux, si sublime
et si joli en meme temps, que j'en aurai pour toute une saison a te
raconter. Rejouis-toi donc de notre fortune presente; car nous sommes
enfin payes de nos fatigues et de nos deceptions, payes avec usure. Tu
peux lire ma lettre a Solange. Tu sauras comment nous sommes campes;
mais nos promenades, rien ne peut en donner l'idee. C'est a chaque pas
une decouverte. Aujourd'hui, par exemple, nous avons passe la journee
dans un immense palais entierement abandonne au haut d'une colline. J'ai
pense a toi, mon petit Lambert.
Ah! qu'on serait heureux d'etre riche et d'associer tous ses enfants aux
vrais plaisirs que l'on rencontre. Que de souterrains, que de fleurs,
que de ruisseaux, de cascades, d'arbres monstrueux, de ruines, de cours
abandonnees, de rocailles brisees, de statues sans nez, d'herbes folles,
de mosaiques couvertes de gazon et d'asphodeles! C'est a en rever; et
des galeries et des escaliers sans
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