et deesse. Dans la coulisse,
elle quittait sa divinite, et cela ne l'empechait pas d'etre souvent
bonne en tant que femme; vous en avez eu la preuve, et vous faites bien
de lui garder un bon souvenir.
Oui, je vous promets _le Chateau des Etoiles_[1] (par parenthese, il
m'amuse beaucoup a griffonner; est-ce bon signe?), si ca peut vous etre
utile; je le promets _a vous_, pas a d'autres. Si vous quittez, je ne
reste pas. Mais vous savez que je serai obligee de vous demander de
l'argent, tout l'argent peut-etre, en vous livrant le manuscrit; quelle
que soit l'epoque rapprochee ou il sera pret. Voyez si c'est possible;
car, pour moi, le contraire de ce possible serait l'impossible.
Je vis au jour le jour depuis vingt-cinq ans, et _ca ne peut pas etre
autrement_, et _ca n'est, pas ma faute;_ si bien que je n'ai pas pu
acheter un manteau et une robe d'hiver cette annee, parce que l'accident
de _la Presse_ a derange mon _ordre;_ ordre tres reel dans ce que les
avares appellent mon desordre. Je sais me priver moi-meme et de tout,
meme quelquefois du necessaire; mais je ne veux pas qu'un chat s'en
ressente et s'en apercoive autour de moi.
Ainsi voila, entre nous: faites que l'on soit de parole; on en a manque
pour _Bois-Dore,_ et j'ai attendu un reliquat de compte qui m'aurait
permis de me vetir en raison de la froidure; et surtout d'en vetir
d'autres qui n'ont pas, comme moi, la ressource d'acheter une couverture
de laine en guise de ouate et de soie.
Donc, grace a la couverture de laine, je m'emballe demain matin pour
faire douze lieues au grand air. Je vais voir la belle Creuse et ses
petites cascades glacees. C'est votre faute si je gele; a force de lire
_le Groenland_, je me suis amourachee des glaciers, des nuits polaires,
des tempetes et des banquises.
Bonsoir.
GEORGE SAND.
[1] Premier titre de _l'Homme de neige_.
CDXXI
A MAURICE SAND A PARIS
Nohant, 14 janvier 1858.
Cher Bouli,
Nous arrivons de Gargilesse. Partis ce matin a onze heures de l'hotel
Malesset, nous etions ici a six pour diner, apres avoir passe trois
heures chez Vergne a Beauregard.
J'ai trouve ta lettre en arrivant ici, et c'est le complement de notre
charmant voyage: sauf ton diable de rhume qui m'ennuie! Certainement
change ton poele, envoie-le promener et laisse guerir ton rhume avant de
te remettre dans les habits minces et les souliers idem. Et, quand tu
seras gueri, ne vis pas tro
|