ont George Sand aurait besoin. Mais, Paulin Limayrac
ayant bientot renonce a la tache, qui lui paraissait trop lourde,
le traite fut rompu de gre a gre entre les parties. _Evenor et
Leucippe_ (premier titre de _les Amours de l'age d'or)_ fut seul
ecrit par George Sand, et donne a l'editeur comme compensation.
CCCXCVII
A M. JULES JANIN, A PASSY
Paris, 1er octobre 1855.
Mon cher confrere,
Je vous appelle ainsi parce que vous etes auteur et que je peux etre
critique a l'occasion. Je viens vous faire des reproches. Que vous
trouviez mauvais tout ce que j'ecris pour le theatre, et _Maitre
Favilla_ particulierement, c'est votre droit, et personne ne le
conteste. Mais que vous cherchiez, en dehors des formes litteraires de
mes ouvrages, des sentiments qui n'y sont point, voila qui n'est pas
equitable, et c'est a quoi j'ai le droit et le devoir de repondre.
Le proces de tendance que vous me faites aujourd'hui et qui est le
resume de plusieurs autres, le voici: George Sand fait l'apotheose de
l'artiste et la satire du bourgeois. Selon elle; gloire au musicien,
au comedien, au poete; fi du bourgeois! honte et malediction sur le
bourgeois! Voila un artiste qui passe, otez votre chapeau; voila un
bourgeois qui se montre, jetons-lui des pierres.
Je vous repondrai par la bouche de ce Favilla, qui vous fache si fort:
_Non, Dieu merci, je ne connais pas la haine._ Par consequent je ne hais
pas les bourgeois, et mes ouvrages le prouvent. C'est vous qui haissez
les artistes, et votre critique le proclame.
Je hais si peu les bourgeois, que j'ai suivi, dans _le Mariage de
Victorine_, la donnee de Sedaine relativement a M. Vanderke, qui, de
noble, s'est fait negociant, et qui a puise la, dans le travail, dans la
liberalite, dans la probite, dans la sagesse, dans la modestie, toute
l'humble et veritable gloire d'un caractere que Sedaine resumait par
ce mot: _Philosophe sans le savoir._--Dans la meme piece, la femme, la
fille et le fils de Vanderke sont des etres aimants, sinceres et bons.
Je n'ai rien derange aux types du maitre et je me suis plu a developper
celui d'Antoine, l'homme d'affaires, l'ami de la maison, un petit
bourgeois aussi, un modele de desinteressement et de fidelite. Enfin
j'ai cree celui de Fulgence, encore un petit bourgeois, un simple
commis, qui n'est ni ridicule ni haissable, vous l'avez dit vous-meme.
_Le Mariage de Victorine_ est don
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