ien constates, que tout regard
intelligent et toute main puissante peuvent elargir, au grand profit des
connaissances humaines. Ce que l'on appelle vulgairement _les travaux_
est, je crois, d'un si puissant interet, que l'on y oublie tous les
soucis de la vie reelle.
Car, en somme, la question, pour vous qui n'avez pas le bonheur d'etre
frivole et vain, c'est de respirer dans l'air qui convient a de larges
poumons et de vous mettre, en depit du sort et des hommes, dans une
sphere qui developpe l'intelligence au lieu de l'etouffer. Il y a, je
crois, trois points necessaires a l'extension complete de la vie: c'est
d'aimer au moins egalement quelqu'un, quelque chose, et soi-meme en vue
de cette chose et de cette personne. J'ai remarque et j'ai eprouve que,
quand cet equilibre est rompu, on arrive a trop s'aimer soi-meme ou a ne
pas s'aimer assez. Ce qui doit vous manquer, en raison du milieu ou le
sort vous a place, c'est le _quelque chose,_ la passion satisfaite d'un
but intellectuel, et ce quelque chose, en somme, c'est l'humanite,
puisque c'est pour elle qu'on travaille.
J'ai tant de respect et d'enthousiasme pour les sciences naturelles,
dont je ne sais pas le premier mot, mais qui me donnent des battements
de coeur et des eblouissements de joie quand, par hasard, j'en saisis
quelques notions a ma portee, que je ne saurais vous parler de cela
comme d'un _pis aller_ dans l'emploi de votre activite interieure.
Peut-etre, un jour, des evenements que nul ne peut prevoir vous
traceront-ils une autre route. Et peut-etre aussi, en vous surprenant
dans celle-la, ne vous causeront-ils que regret et contrariete; car
notre appreciation de la vie change avec les situations qu'elle nous
presente, et bien des choses arrivent, que nous avions cru devoir
souhaiter, et que nous voudrions pouvoir repousser, parce que nous les
jugeons mieux et les connaissons davantage. Si je me permets de vous
ecrire tout cela, c'est parce qu'en lisant votre voyage dans le Nord,
je me suis mise a penser a vous, encore plus qu'au Nord, dont mon
imagination etait cependant tres _allumee_.
Je vous voyais, intrepide et entete, dans les dangers et les souffrances
de cette exploration, et je me demandais: "A qui diable en avait-il,
avec cette ile de Jean-Mayen, qu'il voulait conquerir sur la stupide et
impassible banquise?" L'aventure est racontee, par Edmond d'une maniere
charmante. On y est avec vous, et, a travers la gaiete de sa narration
et le bo
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