sez votre tentation d'y aller
demeurer, faites-le-moi savoir a Paris, dans les premiers jours de mai.
Pardonnez-moi de vous repondre si peu, je suis brisee encore, mais _je
crois_. Je suis sure de retrouver mon enfant dans un meilleur monde;
et, vous dont le coeur est si pur, vous devez etre sure aussi de votre
avenir. Douter de la bonte de Dieu est une faiblesse de notre nature.
Mettez toutes les forces de votre esprit a croire a cette bonte, et vous
sentirez qu'elle a son reflet en vous-meme.
N'ayez pas peur de la mort: c'est un bien bon refuge, allez, et, quand
on le comprend, le courage consiste a ne pas la desirer trop.
A vous de coeur toujours, chere ame en peine.
GEORGE SAND.
CCCLXXXIX
A M. EUGENE LAMBERT, A PARIS
Frascati, mars 1855.
Mon cher Lambruche,
Tout va bien, Maurice nous a donne quelque inquietude, non pas a cause
de la maladie qu'il a eue, mais a cause de celle qu'il aurait pu avoir.
Heureusement, il a passe a cote, grace a un bien bon medecin, excellent
homme par-dessus le marche. Il y a eu necessairement pour nous un peu
de spleen a Rome. Cinq ou six jours dans une chambre d'auberge, c'est
triste.
D'ailleurs, Rome, a bien des egards, est une vraie _balancoire_; il faut
etre ingriste pour aimer et admirer tout, et pour ne pas se dire, au
bout de trois jours, que ce qu'on a a voir est absolument pareil a ce
qu'on a deja vu sous le rapport de l'aspect, du caractere, de la couleur
et du sentiment des choses. Ensuite, on peut entrer dans le detail des
ruines, des palais, des musees, etc., et, la, c'est l'infini; car il
y en a tant, tant, tant, que la vie d'un amateur peut bien n'y pas
suffire. Mais, quand on n'est qu'_artiste_, c'est-a-dire voulant vivre
de sa propre vie, apres s'etre un peu impregne des choses exterieures,
on ne trouve pas son compte dans cette ville du passe, ou tout est mort;
meme ce que l'on suppose encore vivant.
C'est curieux, c'est beau, c'est interessant, c'est etonnant; mais c'est
trop mort, et il faudrait savoir sur le bout des doigts, non seulement
ce fameux livre de _Rome au siecle d'Auguste_, mais encore l'histoire de
Rome a toutes les epoques de son existence; il faudrait vivre la-dedans,
l'esprit tendu, la memoire mirobolante et l'imagination eteinte.
Il fut un temps, _sous l'Empire_, ou l'on s'asseyait _sur le troncon
d'une colonne_, pour mediter sur les ruines de Palmyre; c'etait la
mode, tout le monde medi
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