'oeil nu. Cette observation, que
je n'ai vue consignee nulle part, consiste en ceci: que le spectre
du croissant solaire s'est trouve represente un nombre de fois
considerable, d'une maniere tres fugitive mais tres sensible pourtant,
sur les differentes couches de nuages qui l'environnent.
A plusieurs reprises, la personne qui a renouvele hier cette observation
a cru voir le soleil apparaitre faiblement a une place ou il n'etait
pas, et immediatement se transporter a une autre place, jusqu'a ce
qu'une apparition reelle redressat l'erreur produite par cette sorte de
_parelie_ que je ne me charge nullement d'expliquer.
Nous n'avons pas vu les fleurs se fermer: la plupart ne se sont apercues
de rien. Pourtant, comme l'un de nous pretendait que les liserons se
fermaient, j'ai attentivement regarde une fleur de liseron-vrille qui
etait a mes pieds et je l'ai vue plisser sensiblement, sa corolle. Le
fait n'a pas ete general: un rossignol a lance une roulade vive et
unique a l'heure precise marquee pour l'apogee du phenomene. Les
rossignols ne disent plus mot chez nous dans ce moment de l'annee.
Les coqs ont aussi jete beaucoup de fanfares simultanees de tous les
points habites de la campagne; mais aucun autre animal n'a donne signe
d'etonnement ou de terreur. Les paysans qui ne nous ont pas vus regarder
en l'air ne se sont apercus de rien; d'ou je conclus que notre pere le
soleil peut nous retirer les cinq sixiemes de sa lumiere sans que la
terre s'en ressente beaucoup.
Ce qui est plus etonnant que tout cela, et ce que la science ne peut
pas nous expliquer, c'est le froid inoui de ce mois de juillet. Nous
commencons a savoir les lois qui regissent les astres places a des
distances fabuleuses de notre pauvre petite planete. Mais nous ne savons
rien des causes de perturbation de notre atmosphere, de ce milieu qui
est encore la terre et au sein duquel nous nous agitons sans pouvoir
soumettre nos travaux, notre locomotion, nos projets de tout genre a des
previsions tant soit peu certaines.
M. Babinet ne nous avait-il pas fait esperer un ete brulant? Le
ciel, notre petit ciel relatif, semble se rire de toutes nos grandes
observations. Il serait bien temps que la science put etre illuminee de
quelque soudaine decouverte en ce genre, decouverte dont les resultats
immediats auraient tant d'influence sur notre destinee. La fourmi, "que
ne surprend jamais l'orage"; la taupe, dont les villes souterraines
bravent les intemperie
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