l'etre quand on est comme
vous dans le _corps d'elite._ On y recoit-plus de blessures que dans les
autres regiments; mais, quand un bonheur arrive, on le sent mieux, parce
qu'on le comprend mieux que le vulgaire.
Bonsoir, chere fille; dites toutes mes tendresses a qui de droit, et
puis au criocere Ciceri[2] et au bon Charles-Edmond et a Croquignolet[3]
quand vous le verrez. Viendrez-vous a Nohant cette annee? Tachez, et
aimez-nous. Je vous embrasse tendrement.
Votre _second_ amoureux, puisque Ciceri est le premier dans les
veterans, vous baise humblement les sandales.
Emile est a Paris, et je lui ai dit d'aller, non pas vous embrasser de
ma part, ca ne vous flatterait pas, mais savoir de vos nouvelles et
tacher de vous voir, ne fut-ce qu'une minute, pour me parler de vous.
Bonsoir, chere; ecrivez quelques lignes.
[1] De _Comme il vous plaira_.
[2] Ciceri, le peintre decorateur.
[3] Mathieu Plessy, frere de madame Arnould Plessy.
CDIV
A M. CHARLES PONCY, A TOULON
Nohant, 23 juillet 1856.
Cher enfant,
Je suis a Nohant, je me porte bien, tout le monde aussi, excepte ma
fille, qui n'est guere vaillante. Elle a ete tres malade a Paris et elle
est venue se guerir ici. J'espere que ce sera bientot fait: pourtant, si
ce n'etait pas fini a l'automne, je l'emmenerais voyager. Ou? Je n'ose
plus vous dire que ce serait de votre cote, bien que ce soit toujours
la que ma pensee se reporte; mais je vous ai tant manque de parole, ou,
pour mieux dire, j'ai tant manque a mes esperances, que je ne veux plus
fixer de but a mes courses.
Celle que je meditais l'hiver dernier s'est resolue en quelques jours
d'avril dans la foret de Fontainebleau, une des plus belles choses du
monde, il est vrai, mais si pres de Paris, qu'on n'appelle meme pas cela
une promenade. J'aspire pourtant toujours a l'_absence._ L'absence pour
moi, c'est le petit coin ou je me reposerais de toute affaire, de tout
souci, de toute relation, ennuyeuse, de tout tracas domestique, de toute
responsabilite de ma propre existence. C'est ce que j'avais trouve,
l'autre annee, a Frascati pendant trois semaines, et a la Spezzia
pendant huit jours. C'est la ce que je demande au bon Dieu de retrouver
pendant six mois quelque part, sous un ciel doux et dans une nature
pittoresque; reve bien modeste, mais qui passe devant moi dix ans de
suite sans se laisser attraper.
Cependant, il ne faudra pas venir nous voir i
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