ardin. C'est une grande
perte pour tous, et pour ceux qui l'ont particulierement connue.
CCCXCIII
A M. ***
Nohant, 23 juillet 1855.
Monsieur,
Il ne m'a pas ete possible de prendre plus tot connaissance de votre
lettre. Apres l'avoir lue, j'ai ferme le manuscrit sans le lire. Je ne
donne pas de conseils, ce n'est pas mon etat, et j'ai jure de ne jamais
etre le juge d'une oeuvre inedite, n'ayant jamais pu dire la verite a un
poete sans le facher, quand je contrariais ses esperances. Je ne doute,
monsieur, ni de votre modestie, ni de votre sincerite en vous parlant
ainsi. Mais je sais que, si je ne vous croyais pas d'avenir litteraire,
il me serait impossible de vous tromper. Dans ce cas, je vous
affligerais, et c'est un triste office que vous m'auriez impose.
J'aime mieux ne pas savoir a quoi m'en tenir, et refermer desormais tous
les manuscrits que l'on m'adresse, d'autant plus qu'ils sont en si grand
nombre, qu'avec toute la bonne volonte du monde, je ne pourrais jamais
suffire a en prendre connaissance.
Ne vous decouragez pas de mon refus, monsieur: si vos vers sont beaux,
vous n'avez besoin de personne en dehors de vos amis pour vous le
dire, et ils vous le diront avec chaleur. Si, au contraire, ils les
condamnent, songez qu'eux seuls ont le devoir de vous eclairer et
que c'est un des devoirs les plus delicats, et les plus penibles de
l'amitie.
Agreez, monsieur, l'expression de mes sentiments distingues.
GEORGE SAND.
Le paquet cachete est dans mon bureau a votre adresse. Si je dois vous
le renvoyer, veuillez ecrire un mot a M. Manceau, a Nohant, et, pour
simplifier la recherche dont il a l'obligeance de se charger en mon
absence, veuillez lui reclamer le numero 104.
CCCXCIV
A MADAME ARNOULD PLESSY, A PARIS
Nohant, 20 aout 1855.
Chere belle et bonne que vous etes, je ne vous tiens pas quitte de
Nohant, et, puisqu'on me joue decidement a l'Odeon le mois prochain,
j'irai vous reclamer pour une plus longue vacance si vous etes libre. Je
viens de finir mon ennuyeux roman et je vais penser a notre _Lys_.
N'en parlez encore que vaguement; car, tant que je n'en serai pas bien
contente, je ne veux pas en parler. Je vais me reposer trois ou quatre
jours, j'en ai besoin, et puis je m'y mettrai tout entiere.
Vous dites que vous ferez mes affaires: quel joli homme d'affaires! Et
pourquoi sont-ils tous si laids?
C'est
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