u'ils savaient ils l'avaient appris
par leur propre experience. Ils avaient vu les plus grands evenemens de
l'histoire, ils y avaient pris, ils y prenaient part encore; et il est
aise de se figurer ce qu'un tel spectacle devait reveiller d'idees chez
des esprits jeunes, ambitieux et pleins d'esperance. La brillait
au premier rang le jeune Hoche, qui, de simple soldat aux
gardes-francaises, etait devenu en une campagne general en chef, et
s'etait donne en deux ans l'education la plus soignee. Beau, plein de
politesse, renomme comme un des premiers capitaines de son temps, et
age a peine de vingt-sept ans, il etait l'espoir des republicains, et
l'idole de ces femmes eprises de la beaute, du talent et de la gloire.
A cote de lui, on remarquait deja le jeune Bonaparte, qui n'avait point
encore de renommee, mais dont les services a Toulon et au 13 vendemiaire
etaient connus, dont le caractere et la personne etonnaient par leur
singularite, et dont l'esprit etait frappant d'originalite et de
vigueur. Dans cette societe, ou madame Tallien etalait sa beaute, madame
Beauharnais sa grace, madame de Stael deployait tout l'eclat de son
esprit, agrandi par les circonstances et la liberte.
Ces jeunes hommes appeles a dominer dans l'etat choisissaient leurs
epouses, quelquefois parmi des femmes d'ancienne condition, qui se
trouvaient honorees de leur choix, quelquefois dans les familles des
enrichis du temps, qui voulaient ennoblir la fortune par la reputation.
Bonaparte venait d'epouser la veuve de l'infortune general Beauharnais.
Chacun songeait a faire sa destinee, et la prevoyait grande. Une foule
de carrieres etaient ouvertes. La guerre sur le continent, la guerre sur
la mer, la tribune, les magistratures, une grande republique en un mot a
defendre et a gouverner, c'etaient la de grands buts, dignes d'enflammer
les esprits! Le gouvernement avait fait recemment une acquisition
precieuse, celle d'un ecrivain ingenieux et profond, qui consacrait
son jeune talent a concilier les esprits a la nouvelle republique. M.
Benjamin Constant venait de publier une brochure intitulee: _De la
Force du gouvernement_, qui avait produit une grande sensation. Il y
demontrait la necessite de se rattacher a un gouvernement qui etait le
seul espoir de la France et de tous les partis.
C'etait toujours le soin des finances qui occupait le plus le
gouvernement. Les dernieres mesures n'etaient qu'un ajournement de la
difficulte. On avait donne au gouver
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