t une marche en avant. Quoi!
disaient-ils, nous ne sommes que trente et quelques mille, nous n'avons
revolutionne ni le Piemont ni Genes, nous laissons derriere nous ces
gouvernemens, nos ennemis secrets, et nous allons essayer le passage
d'un grand fleuve comme le Po! nous lancer a travers la Lombardie, et
decider, peut-etre, par notre presence, la republique de Venise a
jeter cinquante mille hommes dans la balance! Bonaparte avait l'ordre
d'avancer, et il n'etait pas homme a rester en arriere d'un ordre
audacieux; mais il l'executait parce qu'il l'approuvait, et il
l'approuvait par des raisons profondes. Le Piemont et Genes nous
embarrasseraient bien plus, disait-il, s'ils etaient en revolution:
grace a l'armistice, nous avons une route assuree par trois places
fortes; tous les gouvernemens de l'Italie seront soumis, si nous savons
rejeter les Autrichiens au-dela des Alpes; Venise tremblera si nous
sommes victorieux a ses cotes, le bruit de notre canon la decidera meme
a s'allier a nous; il faut donc s'avancer non pas seulement au-dela du
Po, mais de l'Adda, du Mincio, jusqu'a la belle ligne de l'Adige; la
nous assiegerons Mantoue, et nous ferons trembler toute l'Italie sur nos
derrieres. La tete du jeune general, enflammee par sa marche, concevait
meme des projets plus gigantesques encore que ceux qu'il avouait a son
armee. Il voulait, apres avoir aneanti Beaulieu, s'enfoncer dans le
Tyrol, repasser les Alpes une seconde fois, et se jeter dans la vallee
du Danube, pour s'y reunir aux armees parties des bords du Rhin. Ce
projet colossal et imprudent etait un tribut qu'un esprit vaste et
precis ne pouvait manquer de payer a la double presomption de la
jeunesse et du succes. Il ecrivit a son gouvernement pour etre autorise
a l'executer.
Il etait entre en campagne le 20 germinal (9 avril); la soumission
du Piemont etait terminee le 9 floreal (28 avril) par l'armistice de
Cherasco; il y avait employe dix-huit jours. Il partit sur-le-champ
afin de poursuivre Beaulieu. Il avait stipule avec le Piemont qu'on lui
livrerait Valence pour y passer le Po; mais cette condition etait une
feinte, car ce n'est pas a Valence qu'il voulait passer ce fleuve.
Beaulieu, en apprenant l'armistice, avait songe a s'emparer, par
surprise, des trois places de Tortone, Valence et Alexandrie. Il ne
reussit a surprendre que Valence, dans laquelle il jeta les Napolitains;
voyant ensuite Bonaparte s'avancer rapidement, il se hata de repasser le
Po
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