ur y nourrir ses armees et arracher cette riche contree a
l'Autriche.
Deux belles armees, de soixante-dix a quatre-vingt mille hommes chacune,
etaient donnees sur le Rhin a deux generaux celebres. Une trentaine de
mille soldats affames etaient confies a un jeune homme inconnu, mais
audacieux, pour tenter la fortune au-dela des Alpes.
Bonaparte arriva au quartier-general a Nice le 6 germinal an IV (26
mars). Tout s'y trouvait dans un etat deplorable. Les troupes y etaient
reduites a la derniere misere. Sans habits, sans souliers, sans paie,
quelquefois sans vivres, elles supportaient cependant leurs privations
avec un rare courage. Grace a cet esprit industrieux qui caracterise
le soldat francais, elles avaient organise la maraude, et descendaient
alternativement et par bandes dans les campagnes de Piemont pour s'y
procurer des vivres. Les chevaux manquaient absolument a l'artillerie.
Pour nourrir la cavalerie, on l'avait transportee en arriere sur les
bords du Rhone. Le trentieme cheval et l'emprunt force n'etaient pas
encore leves dans le Midi, a cause des troubles. Bonaparte avait recu
pour toute ressource deux mille louis en argent, et un million en
traites, dont une partie fut protestee. Pour suppleer a tout ce qui
manquait, on negociait avec le gouvernement genois, afin d'en obtenir
quelques ressources. On n'avait pas encore recu de satisfaction pour
l'attentat commis sur la fregate _la Modeste_, et en reparation de cette
violation de neutralite, on demandait au senat de Genes de consentir un
emprunt et de livrer aux Francais la forteresse de Gavi, qui commande
la route de Genes a Milan. On exigeait aussi le rappel des familles
genoises, expulsees pour leur attachement a la France. Telle etait la
situation de l'armee lorsque Bonaparte y arriva.
Elle presentait un tout autre aspect, sous le rapport des hommes.
C'etaient pour la plupart des soldats accourus aux armees a l'epoque
de la levee en masse, instruits, jeunes, habitues aux privations, et
aguerris par des combats de geans, au milieu des Pyrenees et des Alpes.
Les generaux avaient les qualites des soldats. Les principaux etaient
Massena, jeune Nissard, d'un esprit inculte, mais precis et lumineux
au milieu des dangers, et d'une tenacite indomptable; Augereau, ancien
maitre d'armes, qu'une grande bravoure et l'art d'entrainer les soldats
avaient porte aux premiers grades; Laharpe, Suisse expatrie, reunissant
l'instruction au courage; Serrurier, ancien majo
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