el la republique pourrait etre
detruite par l'armee francaise; d'ailleurs, l'ambition de l'Autriche
etait toujours la plus redoutable pour Venise. Elle lui avait toujours
envie ses provinces de l'Illyrie et de la Haute-Italie, et saisirait la
premiere occasion de les lui enlever. La seule garantie contre cette
ambition etait la puissance de la France, qui n'avait rien a envier a
Venise, et qui serait toujours interessee a la defendre. La France, il
est vrai, avait des principes qui repugnaient a la noblesse venitienne;
mais il etait temps enfin de se resigner a quelques sacrifices
indispensables a l'esprit du siecle, et de faire aux nobles de la
terre-ferme les concessions qui pouvaient seules les rattacher a la
republique et au Livre d'or. Avec quelques modifications legeres a
l'ancienne constitution, on pouvait satisfaire l'ambition de toutes les
classes de sujets venitiens, et s'attacher la France; si de plus on
prenait les armes pour celle-ci, on pouvait esperer, peut-etre, en
recompense des services qu'on lui aurait rendus, les depouilles de
l'Autriche en Lombardie. Dans tous les cas, repetait le senateur
Battaglia, la neutralite etait le plus mauvais de tous les partis.
Cet avis, dont le temps a demontre la sagesse, blessait trop
profondement l'orgueil et les haines de la vieille aristocratie
venitienne pour etre adopte. Il faut dire aussi qu'on ne comptait point
assez sur la duree de la puissance francaise en Italie, pour s'allier a
elle. Il y avait un ancien axiome italien qui disait que l'_Italie etait
le tombeau des Francais_, et on craignait de se trouver expose ensuite,
sans aucune defense, au courroux de l'Autriche.
A ces trois partis on prefera le plus commode, le plus conforme aux
routines et a la mollesse de ce vieux gouvernement, la neutralite
desarmee. On decida qu'il serait envoye des provediteurs au-devant de
Bonaparte pour protester de la neutralite de la republique, et reclamer
le respect du au territoire et aux sujets venitiens. On avait une grande
terreur des Francais, mais on les savait faciles et sensibles aux bons
traitemens. Ordre fut donne a tous les agens du gouvernement de les
traiter et de les recevoir a merveille, de s'emparer des officiers et
des generaux afin de capter leur bienveillance.
Bonaparte, en arrivant sur le territoire de Venise, avait tout autant
besoin de prudence que Venise elle-meme. Cette puissance, quoique aux
mains d'un gouvernement affaibli, etait grande encore;
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