r de la sentir degringoler. "Mechant ane! sot animal! entete! Je
vais te corriger et te donner du Martin-baton."
En effet, elle me battit tellement que j'eus peine a marcher jusqu'a la
ville. Nous arrivames enfin. On ota de dessus mon pauvre dos ecorche
tous les paniers pour les poser a terre; ma maitresse, apres m'avoir
attache a un poteau, alla dejeuner, et moi, qui mourais de faim et de
soif, on ne m'offrit pas seulement un brin d'herbe, une goutte d'eau.
Je trouvai moyen de m'approcher des legumes pendant l'absence de la
fermiere, et je me rafraichis la langue en me remplissant l'estomac avec
un panier de salades et de choux. De ma vie je n'en avais mange de si
bons; je finissais le dernier chou et la derniere salade lorsque ma
maitresse revint. Elle poussa un cri en voyant son panier vide; je la
regardai d'un air insolent et si satisfait, qu'elle devina le crime
que j'avais commis. Je ne vous repeterai pas les injures dont elle
m'accabla. Elle avait tres mauvais ton, et lorsqu'elle etait en colere,
elle jurait et disait des choses qui me faisaient rougir, tout ane
que je suis. Apres donc m'avoir tenu les propos les plus humiliants,
auxquels je ne repondais qu'en me lechant les levres et en lui tournant
le dos, elle prit son baton et se mit a me battre si cruellement que je
finis par perdre patience, et que je lui lancai trois ruades, dont
la premiere lui cassa le nez et deux dents, la seconde lui brisa le
poignet, et la troisieme l'attrapa a l'estomac et la jeta par terre.
Vingt personnes se precipiterent sur moi en m'accablant de coups et
d'injures. On emporta ma maitresse je ne sais ou, et l'on me laissa
attache au poteau pres duquel etaient etalees les marchandises que
j'avais apportees. J'y restai longtemps; voyant que personne ne songeait
a moi, je mangeai un second panier plein d'excellents legumes, je coupai
avec mes dents la corde qui me retenait, et je repris tout doucement le
chemin de ma ferme.
Les gens que je depassais sur la route s'etonnaient de me voir tout
seul.
--Tiens, ce bourri avec sa longe cassee! Il s'est echappe, disait l'un.
--Alors, c'est un echappe des galeres, dit l'autre.
Et tous se mirent a rire.
--Il ne porte pas une forte charge sur son dos, reprit le troisieme.
--Bien sur, il a fait un mauvais coup! s'ecria un quatrieme.
--Attrape-le donc, mon homme, nous mettrons le petit sur son bat, dit
une femme.
--Ah! il te portera bien avec le petit gars, repondit le mari. Mo
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