sous le piano quand il en joue.
J'ai la fibre tres forte et je ne trouve jamais des instruments assez
puissants. Il est, au reste, le seul artiste du monde qui sache donner
l'ame et la vie a un piano. J'ai entendu Thalberg a Paris. Il m'a fait
l'effet d'un bon petit enfant bien gentil et bien sage. Il y a des
heures ou Franz, en s'amusant, badine comme lui sur quelques notes pour
dechainer ensuite les elements furieux sur cette petite brise.
Attendez-moi, pour l'amour de Dieu! Je n'ose pourtant pas vous en prier;
car l'Italie vaut mieux que moi. Et je suis un triste personnage a
mettre dans la balance pour faire contre-poids a Rome et au soleil.
J'espere un peu que l'excessive chaleur vous effrayera et que vous
attendrez l'automne.
Etes-vous bien accablee de cette canicule? Peut-etre ne menez-vous cas
une vie qui vous y expose souvent. Moi, je n'ai pas l'esprit de m'en
preserver. Je pars a pied a trois heures du matin, avec le ferme propos
de rentrer a huit; mais je me perds dans les trames, je m'oublie au bord
des ruisseaux, je cours apres les insectes et je rentre, a midi dans un
etat de torrefaction impossible a decrire.
L'autre jour, j'etais si accablee, que j'entrai dans la riviere tout
habillee. Je n'avais pas prevu ce bain, de sorte que je n'avais pas de
vetements _ad hoc_. J'en sortis mouillee de pied en cap. Un peu plus
loin, comme mes vetements etaient deja secs et que j'etais encore
baignee de sueur, je me replongeai de nouveau dans l'Indre. Toute ma
precaution fut d'accrocher ma robe a un buisson et de me baigner
en peignoir. Je remis ma robe par-dessus, et les rares passants ne
s'apercurent pas dela singularite de mes _draperies_. Moyennant trois
ou quatre bains par promenade, je fais encore trois ou quatre lieues a
pied, par trente degres de chaleur, et quelles lieues! Il ne passe pas
un hanneton que je ne courre apres. Quelquefois, toute mouillee et
vetue, je me jette sur l'herbe d'un pre au sortir de la riviere et je
fais la sieste. Admirable saison qui permet tout le bien-etre de la vie
primitive.
Vous n'avez pas d'idee de tous les reves que je fais dans mes courses
au' soleil. Je me figure etre aux beaux jours de la Grece. Dans cet
heureux pays que j'habite, on fait souvent deux lieues sans rencontrer
une face humaine. Les troupeaux restent seuls dans les paturages bien
clos de haies magnifiques. L'illusion peut donc durer longtemps.
C'est-un de mes grands amusements, quand je me promene un peu
|