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d'une longue clameur de commandements et d'un immense cliquetis d'armes.
La ville de Mer, au bout d'une heure, dut sembler morne et vide a ses
habitants: notre division l'avait evacuee. Le general de Sonis, d'abord
suffoque par un tel exces d'honneur, s'etait cependant resigne, par
esprit de discipline, a accepter le commandement en chef du 17e corps
d'armee. Pour constituer solidement l'aile gauche de l'armee de la
Loire, il avait demande la concentration immediate de ses divisions
autour de lui, a Chateaudun, tandis que le 16e corps se maintenait au
centre, en avant de Coulmiers, sous les ordres du general Chanzy, dans
les positions conquises le 9 novembre, et que, plus a droite, le general
Martin des Pallieres couvrait Orleans avec le 15e corps.
Mer, ou je devais bientot revenir, non plus pedestrement, mais monte, je
n'ose pourtant dire sur un noble coursier, Mer, qu'une sinuosite de la
route nous avait permis de decouvrir a distance sans detourner la tete,
s'etait efface dans la brume de cette triste journee d'automne. Le pays
etait plat, sans horizon, sous un ciel terne, bas, qui semblait etouffer
la terre. Et ce qui assombrissait encore tout cela, c'etait le souvenir
de ma premiere etape. Il me preoccupait fort. Il me preoccupait d'autant
plus qu'a chaque pas mon talon, mon talon d'Achille, me rappelait, par
une sensation de brulure, ma vulnerabilite.
Heureusement le depart avait ete tardif: il n'y eut pas a fournir ce
jour-la une longue course. Au bout de trois lieues, ayant atteint a la
nuit le bourg de Lorges, nous etablimes nos bivouacs dans des champs que
bornait a notre gauche une large bande irreguliere, noire et confuse.
Au jour, nous reconnumes que nous etions campes pres d'un grand bois, la
foret de Marchenoir. Le cafe pris, on nous fit aligner a une portee de
fusil de la lisiere: le 51e avait a nous rendre le funeste spectacle que
nous lui avions offert dans la foret de Blois. Il y mit un peu moins
de ceremonie que nous. Ayant laisse les faisceaux aupres des derniers
fumerons de leurs bivouacs, les hommes de ce regiment vinrent se
ranger a nos cotes, les bras ballants, presque comme a la foire. Il ne
s'agissait, a vrai dire, que d'executer un simple soldat, lequel, chose
grave, avait refuse d'obeir a un caporal qui le commandait de corvee.
Grand, fort, l'air decide, cet homme fut conduit tout a l'entree du
bois, sous l'escorte du peloton fatal. Il ne voulut pas se laisser
bander les yeux,
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