qui s'avance en puissance dans ces moucherons noirs, bourdonnants,
rapides, qu'une flamme lointaine a annonces et qui finissent, en
touchant la terre, par une autre flamme jaillie de leur sein dechire en
vingt eclats de fonte a dents irregulieres, cruelles.
"Bon, encore un!--Il arrive droit sur nous.
--Non, il passe.
--Un autre, deux autres.--Si, du moins, on pouvait appuyer a gauche.
--Imbecile, c'est la qu'ils tombent.--Bien vise, cette fois.--Misere
et horreur!--Un cri, des gemissements, une convulsion supreme.--Qui
est-ce?--Il ne bouge plus.... Il en pleut encore, toujours. Nous y
resterons tous. Et a quoi bon? Autant de morts, autant de fusils perdus!
Que ne nous commande-t-on de tirer!"
Pendant une heure et demie, les jeunes soldats du 51 deg. subirent cette
terrible epreuve de l'immobilite sous le feu. Ce leur fut donc un
soulagement de recevoir enfin l'ordre de se lever et de courir en avant.
Les nerfs se detendirent par le jeu des muscles, et la circulation du
sang fut si precipitee qu'il semblait que, durant l'heure ecoulee, tous
ces coeurs eussent cesse de battre. En avant, toujours. A gauche de
Loigny, l'ennemi occupait une ferme qu'il avait crenelee, et, de la
lisiere d'un petit bois voisin, il fusillait les assaillants, qui
cependant ne reculerent pas, ne s'arreterent point. La ferme fut
emportee d'assaut et le bois vivement nettoye. Le general Charvet, qui
avait dirige l'attaque, etablit sa troupe dans les positions conquises:
elle s'y maintint, deux heures sous un feu tres violent de l'infanterie
prussienne, qui s'avancait sur le cote oppose, au secours des Bavarois.
D'une intrepidite qui s'accommodait mal d'une fusillade a distance, le
general de Sonis ordonna de charger sur Loigny. Le 51e obeit; mais ici
doit se placer un incident bizarre. Du moins le fait fut raconte le soir
aux bivouacs de Patay, par plusieurs officiers: il ne pouvait pas etre
verifie; mais l'historique du regiment l'a enregistre comme un on-dit.
A un commandement qui aurait ete fait en excellent francais par un
officier prussien, audacieusement embusque en cet endroit, le regiment,
tombant dans un piege, alla donner tete baissee sur une forte colonne
ennemie, massee dans un bouquet de bois d'aspect inoffensif. Une
effroyable fusillade eclata a bout portant. Le general Charvet eut son
cheval tue et tomba avec lui; deux cents hommes roulerent a terre,
blesses ou morts; les autres, surpris, reculerent. Le general fut
aussi
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