-memes, nous ne pouvions attaquer sans un ordre, apres l'echec de la
veille. La compagnie se replia sur le gros du bataillon et un planton
fut vivement depeche au colonel pour lui rendre compte et prendre ses
instructions.
La campagne cependant se degageait de l'obscurite. Derriere nous
retentit la diane, claire comme le chant du coq gaulois, tandis que,
de Loigny, d'Ecuillon, de Lumeau, partaient quelques brefs coups de
sifflet. Des ombres se montrerent un instant a l'entree de chaque
village et presque aussitot se deroberent a l'abri des maisons ou des
murs de cloture. Rien d'autre ne nous revela la presence de notre
redoutable adversaire, qui sans doute songeait aussi a panser ses
blessures.
Ordre nous arriva bientot de rejoindre nos deux premiers bataillons a
Terminiers. De ce village jusqu'a Patay, toutes les troupes du 16e et du
17e corps, selon les dispositions que le general Chanzy avait arretees
et fait approuver pendant la nuit, s'echelonnaient, bataillon par
bataillon, en colonne de compagnie, avec une batterie dans chaque
intervalle. Des huit heures, tout etait pret pour battre methodiquement
en retraite, sauf a offrir vivement un large front de bataille aux
Allemands, en cas de poursuite.
A notre brigade etait echu le faible honneur de s'eloigner la derniere,
sous la direction de l'amiral Jaureguiberry. Il etait charge du
commandement de l'arriere-garde.
Nous dumes donc attendre l'ordre de marcher, jusqu'a dix heures, l'arme
au pied. Les serre-files de notre compagnie se trouvaient ainsi en
premiere ligne, le dos il est vrai tourne a l'ennemi. Telle etait du
moins la position reglementaire; mais--j'en conviens--j'avais peine a la
garder. Invinciblement, mes regards etaient attires vers le village
des Echelles, a l'entree duquel se montraient quelques groupes. Cette
curiosite etait-elle excessive, justifiait-elle un blame? Le salut de
l'armee necessitait-il qu'on s'eloignat des Allemands, sans meme les
regarder? Pourquoi cependant M. Houssine l'exigea-t-il brutalement de
moi, sinon par l'effet d'une animosite qui s'acharnait en l'absence
du capitaine, pour se venger de la bienveillance que me temoignait ce
dernier?
IV
Jusqu'au soir nous marchames, en tres bon ordre. Malgre notre
epuisement, le bataillon ne compta pas, ce jour-la 3 decembre, un seul
trainard; mais ce fut une triste journee, l'une des plus tristes dont
je me souvienne. Depuis notre entree en campagne, fatigues, privations,
s
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