paraissait
se livrer a quelques kilometres. Les clairons sonnerent la halte d'un
bout a l'autre de la longue colonne, et les estafettes coururent bride
abattue vers la ville pour savoir s'il fallait y entrer, ou bien marcher
au canon. Dans la direction du nord-ouest, semblait-il.
Les officiers ayant visite les armes, les hommes joncherent aussitot
la route des petites croix blanches dont sont formes les etuis de
cartouches. Cela temoignait d'une belle ardeur, et surtout d'une grande
inexperience, car il suffit de trois secondes pour rompre ces boites de
carton, et il nous eut fallu de longues heures pour joindre l'ennemi.
C'est a Yevres et a Brou que le canon tonnait ce jour-la, a plusieurs
lieues de Chateaudun. Pour detourner les Prussiens d'une marche sur
Vendome signalee par le ministre de la guerre, le general de Sonis
s'etait porte en avant des le matin, avec quelques batteries et les
fantassins du general Deflandre qu'il avait fait trotter comme des
chevaux arabes. Notre appui, qui aurait ete tardif, n'etait pas
necessaire; la colonne expeditionnaire devait sans desemparer rentrer
apres l'affaire dans ses bivouacs de Marboue, sous Chateaudun. L'ordre
ne tarda donc pas a nous arriver d'aller occuper dans la ville haute les
emplacements abandonnes par des francs-tireurs et des mobiles, qu'un
train emporta devant nous vers Vendome. A leur rapide passage, nous les
saluames chaleureusement, croyant qu'ils allaient au feu.
II
Dans la ville basse que baignent les eaux du Loir, la vie regnait a peu
pres comme aux jours paisibles, bien que plus d'une toiture montrat un
trou beant perce par les projectiles allemands; mais, sur la crete du
coteau, ou naguere se trouvaient des quartiers opulents, il restait a
peine quelques habitations debout, au milieu d'affreuses ruines.
Les rues etaient pour la plupart impraticables. Dans quelques-unes,
l'incendie avait tout devore. Les murailles seules subsistaient,
mouchetees de balles et fendues par les obus. Les materiaux noircis
et calcines comblaient l'interieur des maisons, debordant sur la voie
publique par les fenetres du rez-de-chaussee, qu'ils obstruaient, et
dont les ferrures herissees semblaient avoir ete tordues par des mains
de geant.
Peu d'habitants erraient parmi ce theatre de desolation. Ceux-la
s'obstinaient pourtant a roder autour des decombres ou gisaient encore
les victimes qui avaient ete surprises et etouffees dans les caves.
Comme insensible a to
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