re du general Guillemot, que semblait allonger encore sa barbiche
blonde.
Cependant, deploye en ligne au commandement du capitaine David, notre
bataillon poursuit sa marche vers son objectif, Cernay. L'ambition de
tous, la preoccupation de chacun, est de ressembler a cet ancetre qui,
calme et froid, digne, montre le chemin, trente pas en avant du front de
bataille.
Le colonel Koch, accompagne du commandant Bourrel et d'un officier
d'ordonnance, vient diriger en personne l'action de sa brigade. Il
nous rapproche du village, pour nous abriter derriere les maisons,
en attendant qu'il nous emploie. Quatre chasseurs le suivent: leurs
manteaux blancs servent aussitot de points de mire aux artilleurs
allemands. Une volee d'obus part des batteries braquees entre Cravant et
Beaumont; ils bourdonnent au-dessus de nos tetes et vont tomber assez
loin derriere nous. L'etat-major se deplace, tantot a droite, tantot a
gauche. Les projectiles le suivent, sans l'atteindre encore. Alors le
colonel se decide a eloigner son escorte, inutile pour le moment. Les
cavaliers prennent le trot; mais ils ne sont pas a deux cents metres,
qu'un nouvel obus va eclater entre eux, et deux roulent a terre avec
leurs chevaux. Quelques eclats viennent se loger dans nos havresacs ou
bossuer en cliquetant les marmites et les gamelles.
Petit et insignifiant episode. Plusieurs maisons nous masquaient le
coin le plus chaud du champ de bataille; mais un vacarme incessant
nous permettait d'apprecier l'intensite de la lutte. Crepitation de
la mousqueterie, grondement des canons ou grincement strident des
mitrailleuses, se combinaient avec une sorte de long mugissement
ininterrompu, qui etait le cinglement de l'air par tous les projectiles.
A notre gauche nous apercevions un regiment de mobiles qui criblait de
feux de salve les positions de Cravant. Une batterie, postee a notre
droite, tirait aussi sans relache, et ces feux convergents etaient
bien diriges. "A l'est de Cravant, dit le rapport allemand, les cinq
batteries bavaroises les plus rapprochees du village durent, a la suite
de pertes enormes, se retirer en dehors de l'action de l'artillerie
francaise et des chassepots."
IV
Nous etions cependant maintenus en premiere reserve, pour cooperer d'un
moment a l'autre a l'attaque du centre ennemi. Sur l'ordre du general
en chef, deux escadrons de grosse cavalerie de notre corps devaient se
masser a l'abri des maisons de Cernay, et, avec un peloton d
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