t pris en faute lui repliquerent a la
muette, par un geste peu respectueux. Si la scene n'avait eu aucun
temoin, elle se fut sans doute terminee la, le capitaine ne pouvant que
reculer devant la honte de motiver sa punition en termes precis; mais
quelques officiers et sous-officiers, d'autres zouaves etaient presents:
l'echo du scandale parvint vite aux oreilles du colonel.
Avec la decision qui le caracterise, M. de Charette ordonna a son
officier d'habillement de se procurer, dans le village, deux vetements
complets de paysan. Pantalons de bure, blouses, bonnets de laine et
sabots. Sur-le-champ les delinquants durent troquer leur uniforme contre
un accoutrement rappelant par la coiffure celui des forcats. Ordre est
donne au regiment de s'assembler et de former le cercle. Au centre se
trouvent le colonel et le capitaine offense, devant les deux hommes
desormais indignes de figurer dans la noble legion.
Pour solenniser l'execution des brebis galeuses, le colonel de Charette
tient a prononcer un discours qui leur grave la honte dans le coeur et y
seme le remords. Il commence d'un ton sincerement indigne; mais, autant
il excelle dans la breve eloquence du champ de bataille, qui, par un
mot, par un geste coupant la mitraille, enleve les hommes, autant il est
refractaire a la rhetorique oiseuse qui arrondit et enchaine elegamment
et savamment les periodes. Au milieu d'une phrase un peu laborieuse,
l'un des condamnes, peut-etre pour se donner une contenance, laisse
errer, a l'ombre de son bonnet, sur ses levres, un imperceptible
sourire. Pas si imperceptible qu'il echappe au colonel.
Tant pis, ou tant mieux: la phrase ne sera jamais finie. Le colonel de
Charette, d'un air a faire reculer Garibaldi, c'est-a-dire avec un calme
imperturbable, en caressant doucement sa longue barbiche, s'avance
vers l'impertinent et lui ordonne de faire demi-tour. Sans s'expliquer
d'abord vers quel but tend le commandement, mais n'en augurant rien de
bon, le zouave l'execute avec tremblement. Aussitot la botte du colonel
s'eleve, sa jambe se replie, puis s'allonge comme un ressort puissant.
Litteralement souleve de terre, le malheureux zouave est projete a
quatre pas en avant, sur ses pieds qui marchent, qui trottent, qui
galopent. Le cercle, devant lui, s'est ouvert, d'instinct, et derriere
lui court son compagnon; il court aussi vite que les sabots le lui
permettent. Oncques le regiment n'entendit parler d'eux et, depuis lors,
nul ne manqu
|