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t achever. L'infanterie s'infiltrait entre les roues et courait a travers champs, pendant que ma charrette etait empechee d'avancer; nous risquions d'etre fortement distances et de perdre la piste du regiment. Pour moi, mon etat de faiblesse m'enlevait toute idee, je l'avoue, toute energie. Ne pas abandonner les vivres dont la compagnie aurait besoin le lendemain, telle etait ma seule preoccupation, ma seule pensee, et je restais en consequence aupres de mon convoyeur sans esperer pouvoir le suivre longtemps. Or un lieutenant de mon bataillon se trouvait la, retarde par une entorse: nous ayant reconnus, il monta sur la charrette, et, sourd aux protestations du conducteur, nous engagea dans un chemin de traverse. La nuit etait venue, profonde, sans une etoile au ciel. Impossible de distinguer un homme a dix pas. La pluie de la nuit precedente avait detrempe le sol. Roues, essieu, toute la voiture gemissait, craquait, comme un vaisseau dans la tempete. Le cheval hennissait de douleur, en donnant de furieux coups de collier, sous la pointe de la canne du lieutenant. Mais la pauvre bete souffrait moins que son maitre: la guidant de son mieux par le licou, il ne cessait de pousser, lui aussi, de sourds gemissements. Pourtant nous rejoignimes la grande route sans avarie apparente, le cheval marchant encore, l'homme se desolant toujours. Quelques trainards nous affirmerent d'ailleurs que nous suivions de pres le regiment, ce qui nous encouragea un peu; mais quand donc nous arreterions-nous? Toujours, toujours, les vagues silhouettes fuyaient au loin devant nous, comme nos propres ombres, sans pouvoir jamais etre atteintes. Le bruit de notre marche effrenee, fantastique, troublait d'heure en heure le repos d'un village silencieux. Les fenetres s'entr'ouvraient prudemment, puis des formes blanchatres se penchaient au dehors, demandant quelques renseignements a voix basse. A quoi, par depit et par honte, nous ne repondions qu'en haussant les epaules. Nareval, faisant son metier en conscience, se multipliait pour stimuler les retardataires. Et moi, a cote de la voiture, je marchais en titubant de fievre, soutenu par le caporal Daries. Il ne me quittait pas, persuade que je serais tombe sans son appui. Lui-meme avait besoin de toutes ses forces et je lui disais de m'abandonner, mais de veiller a ma place sur les vivres. J'etais resigne a me coucher dans le fosse qui bordait la route, lorsqu'un capitaine d'etat-major pas
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