un court
echo, le bruit des decharges ennemies. La riposte est meurtriere. S'ils
en ont la force, les blesses se trainent en arriere; sinon, on les
ecarte avec les morts. Les survivants se resserrent, et le bruit
sinistre retentit a intervalles reguliers. De vieilles troupes ne
montreraient pas plus de sang-froid. Les mobiles sont en nombre
et gagnent du terrain: ils n'ont pas besoin de nous. A droite, au
contraire, le 10e de chasseurs entretient la fusillade avec un
acharnement desespere: il s'epuise. L'ardeur de ceux qui tirent toujours
ne peut suppleer au nombre et il y a plus de chasseurs a terre que
debout:
"A droite et en avant, pour les soutenir!"
Les maisons du village ne nous couvrent plus. Tout a coup un bruit sec,
semblable a celui d'une baguette qui se casse, claque a cote de moi: un
homme tombe la face contre terre, en poussant un cri, un seul: il a
le crane brise. Un autre a la gorge traversee et il expire. D'autres
roulent a terre pendant que les balles sifflent et bourdonnent a nos
oreilles. Chacun de nous pense alors, sans rien dire, qu'il n'y a
pas lieu de plaisanter: on eprouve un vif desir de se rapetisser, de
s'amincir; on voudrait n'etre pas plus haut qu'un caillou, pas plus
large qu'un fil. Une heure durant, on nous maintient sur la route de
Cernay a Origny, sans ordonner le feu. Rien n'est plus enervant.
Le jour baisse, et autour de nous l'approche de la nuit surexcite les
volontes. Le bruit redouble. Les chasseurs reprennent coeur et semblent
se multiplier. Leurs silhouettes se detachent dans les positions variees
du combattant chargeant, tirant, rechargeant, sans repit, sans relache.
Des canons passent pres de nous, au galop, la moitie des servants,
couches, livides, sur des affuts: plusieurs chevaux, sans cavalier,
hennissent douloureusement. L'un a le naseau dechire et sanglant; un
autre suit de loin l'attelage dont on l'a detache, et son jarret brise
s'embarrasse dans les liens rompus qui trainent autour de lui. La
batterie s'eloigne, non parce qu'elle est aux trois quarts detruite,
mais parce qu'elle a epuise ses munitions. Une autre s'avance, bride
abattue, pour la remplacer. Ce sont des mitrailleuses, dont le rale aigu
fait tressaillir. Dans le concert infernal, elles melent leur musique,
aigre comme un dechirement, a la basse profonde du canon et au
petillement inegal de la fusillade.
Au rebours du malchanceux 51e, qui avait ete des premiers a toutes les
fetes, il semblait ecri
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