oir m'y meler
moi-meme, les mouvements du 16e corps qui engageait vigoureusement
la bataille a deux lieues vers le nord-est. Quelques nuages de fumee
s'elevant lentement dans le ciel clair, voila tout ce que nous pouvions
distinguer. Le roulement ininterrompu du canon, qui grossissait par
eclats, attestait l'intensite croissante de la lutte. Pendant ce temps,
les autres troupes du 17e corps, que nous avions distancees la veille,
arrivaient a la hauteur de Patay et defilaient devant nous. Passe la
ville, les batteries se mettaient en ligne et roulaient a travers
champs, precedees et suivies de l'infanterie qui se deployait aussi.
En art, il y a le choix entre des procedes tout differents. Certains
artistes epuisent l'emotion par l'expose de scenes effrayantes ou
horribles; d'autres preferent la faire naitre et la maintenir en mettant
l'esprit en suspens devant des tableaux ou plane la crainte du drame
qui se prepare, et en epargnant a la vue les details terribles ou
repugnants. Le spectacle qui s'offrait a nos yeux avait ce caractere
tempere, saisissant quand meme. Sur le fond lointain d'une realite
menacante se detachait un premier plan pittoresque et attachant.
Les artilleurs, pour gagner ou maintenir leurs distances, tantot
fouettaient leurs chevaux a tour de bras, leur dechiraient les flancs de
l'eperon, tantot s'efforcaient de leur faire sentir le mors pour moderer
leur emballement. Pendant ces alternatives, les pauvres servants, montes
sur les caissons, se soutenaient mutuellement, de peur de tomber a
chaque violente secousse que provoquaient les sillons de terre durcie.
Puis une ligne rouge et bleue de fantassins ou toute bleue de mobiles
ondulait sans desordre, offrant un front de tout jeunes visages, un peu
pales, qui, par leur serieux, tachaient de faire aussi bonne figure que
de vieilles troupes. Et le soleil brillait, non pour rechauffer les
membres engourdis par une nuit glaciale, mais assez pour pailleter de
fugaces etincelles le bronze des canons et l'acier des doubles rangees
mouvementees de fusils.
Bientot les zouaves pontificaux melerent leurs costumes gris aux autres
uniformes plus voyants. Les troupes de ligne, apres avoir effectue un
mouvement vers la gauche, accentue par chaque brigade, s'arreterent pour
se refaire de leur marche ininterrompue depuis Coulmiers. Les zouaves
arrivaient seulement de Saint-Peravy; ils venaient de deposer leurs sacs
a Patay. De Terminiers arriva vers eux, au galop d
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