ut, une armee campait la, abritant ses tentes
contre les murs demeures debout, formant ses fourneaux avec les briques
ecroulees, se chauffant des debris de bois non consume. Dans la penombre
du crepuscule, les feux petillants des bivouacs rendaient aux ruines les
teintes rougeatres de l'incendie, et, la nuit venue, leur donnerent un
aspect fantastique. Et des canons roulaient avec fracas dans les rues le
moins obstruees, ou pietinait un regiment de cuirassiers attendant la
sonnerie du boute-selle. Parmi les spectres que figuraient, dans leurs
longs manteaux blancs, ces hommes de haute stature, grandis par le
casque cercle de peau sombre, les estafettes galopaient en divers sens,
au bruit continu de la canonnade qui grondait comme le tonnerre d'une
nouvelle invasion.
Ce spectacle, sans nous surprendre apres l'heroique defense de la fiere
cite, nous navrait profondement, tandis que, lentement, nous nous
dirigions vers l'avenue de la Gare ou nous devions camper. Un brusque
arret se produisit, sans que les clairons eussent sonne la halte, et,
successivement, les files se serrerent un peu. Toutes les tetes se
retournaient l'une apres l'autre. Au milieu d'un silence recueilli, nous
entendimes, avant de rien voir, le pas d'un peloton qui arrivait en
sens inverse. Il escortait des prisonniers prussiens en tete desquels
marchaient deux athletes, aux epaules larges, aux bras puissants,
que dessinait une casaque blanche. Ils avaient la chevelure courte,
roussatre, et la tete vraiment carree dans leur toque, blanche aussi,
sauf le bandeau qui etait du meme drap bleu que le pantalon. Ils
passerent, lourdement, leur nez epate bien en l'air, suivant ainsi la
direction de leurs regards qui de la sorte evitaient les notres.
Nous fumes enfin autorises a dresser la tente sur un boulevard qui
aboutit a la gare. Pour ma part, j'aspirais ardemment au repos. Certes
j'avais, depuis Mer, suivi le regiment a mon rang de bataille, mais non
sans effort. La marche avait aggrave la blessure qui me dechirait le
pied, et je me sentais frissonner de fievre. Or il me fallut aller
chercher du pain a la gare et l'attendre pendant deux heures. A mon
retour, mes camarades avaient mange leur soupe, mais le brave Villiot
m'avait reserve une gamelle de bouillon, qui mijotait pres du feu. Rien
ne pouvait m'etre meilleur. Cela me rechauffa, et, notre tente etant
garnie d'excellente paille, je comptais sur un bon somme pour me
retablir tout a fait.
Avec le
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