acillantes,
alternees de gerbes d'etincelles, qui s'elevaient encore des ruines de
Loigny.
Nuit terrible, sous un ciel voile de brume. Defense etait faite
naturellement d'allumer aucun feu. Il ne fallait pas non plus dresser
les tentes. Notre provision de paille, maigre au depart, etait a peu
pres dispersee quand nous pumes nous arreter. Nous devions etre aux
environs de Villepion. Nous grelottions en plein champ, sous la bise du
nord qui ravivait l'incendie maintenant a quelques centaines de pas. Au
pied de la haie de faisceaux aux baionnettes flamboyantes, nous nous
couchames malgre tout, avec la terre pour lit, le sac pour oreiller
et nos toiles de tente simplement etendues sur nos tetes afin de nous
garantir au moins du serein. Or il gelait a pierre fendre, et le serein
fut un beau verglas qui transforma la toile en carton cassant comme du
verre.
Peu importe. Villiot, encore cinquante pas plus loin, veillait en
avant-poste: nous etions bien gardes: apres un long frisson, cause par
le froid a coup sur et aussi par l'idee des souffrances que devaient
endurer les blesses ralant tout pres de nous, le sommeil nous gagna
pourtant. Ainsi la lassitude animale vient, chez l'homme, au secours de
l'esprit. Oui, moins abrites du froid que les Groenlandais, a une portee
de fusil des barbares qui en pleine France detruisaient nos demeures,
nous pumes fermer les yeux, nous endormir, reposer. Chose curieuse,
l'esprit, comme pour acquitter aussitot sa dette de reconnaissance
envers le corps qui lui accordait quelques heures d'oubli, evoqua de
doux reves sensuels. A mon estomac vide, il donna l'illusion d'un repas
succulent; a mes membres brises et engourdis, il offrit la sensation
imaginaire d'un lit moelleux et chaud. Je m'y etendais delicieusement,
lorsque l'adjudant du bataillon, passant tout le long du rang, reveilla
les dormeurs et ordonna a voix basse de se lever.
Brrr! la rude realite. Nous avions l'onglee au bout de nos vingt doigts
et un instant nous craignimes de ne pas pouvoir nous mettre debout.
Energiquement, tout le monde se secoua et reprit ses sens. Il faisait
nuit encore. La sinistre lueur, devant nous, s'etait eteinte, et, vers
l'orient, l'azur celeste s'eclaircissait a l'approche de l'aube. Notre
compagnie fut chargee de pousser une reconnaissance. Nous apercumes
vaguement, dans le demi-jour naissant, un assez gros parti de uhlans.
Ayant sans doute distingue la masse du bataillon, ils tournerent bride.
Nous
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