phiant a toute heure
d'etre prudent. Ils jugerent a la fin necessaire de lui ordonner de
se replier, de maniere a s'assurer au besoin le soutien des autres
fractions de l'armee de la Loire.
Pendant que se donnaient cours ces agitations superieures, les fourriers
du 48e avaient ete appeles a la gare pour renouveler prosaiquement les
vivres epuises. Toujours le dernier servi, je revenais avec mes hommes
charges de viande, de cafe, de riz et de biscuit; mais le regiment avait
decampe. Etaient restes la, par ordre, pour garder nos bagages et nos
armes, le caporal Daries et le sergent Nareval.
A cette vue, affaibli sans doute par quarante-huit heures de fievre,
j'eus un acces de decouragement. Partir, c'etait facile a dire! mais
est-ce que je pouvais imposer a huit hommes de trainer comme des betes
de somme les vivres de leurs deux cents camarades? Est-ce que j'avais le
droit d'abandonner ces vivres, la nourriture de quatre jours? Mon tour
etait donc venu d'osciller comme un pendule, entre des partis qui me
paraissaient egalement impraticables. C'est le bon cote de la guerre
d'exiger de l'initiative des plus humbles comme des plus glorieux et
d'accroitre ainsi la valeur personnelle de chacun; mais c'est un vilain
penchant de la nature humaine de toujours accuser autrui.--Pourquoi
cette retraite precipitee? A quoi bon nous avoir fait venir, pour nous
emmener aussitot?
Grace a Dieu, cette revolte intime ne dura pas. Pres de nous stationnait
une charrette de requisition, dont le conducteur, un paysan a l'air
ahuri, semblait attendre des ordres. Ces ordres,--me ressaisissant
aussitot,--je les lui donnai. Il dechargea mes hommes de toutes nos
denrees. Je ne gardai de ma corvee que deux soldats, et avec Nareval et
Daries nous escortames le vehicule que la Providence m'avait si fort a
propos envoye.
Il suivait, cahin-caha, le flot de l'armee qui devalait vers les
ponts du Loir et s'ecoulait dans la plaine que nous avions parcourue
l'avant-veille. Moi aussi, je cahotais, n'etant point gueri. Mon pied me
faisait toujours souffrir, et a tout moment je frissonnais sans avoir
froid.
Jusqu'a la nuit pourtant, le trajet se fit sans encombre et sans
incident. Mais les longs convois de l'administration ne tarderent pas
a barrer la route. Chariots de vivres, grandes fourrageres, voitures
d'ambulances, se heurtaient, sans hate. L'artillerie exigeant qu'on
lui cedat le pas, c'etait le commencement du chaos, que les tenebres
allaien
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