itime, necessaire,
que le froid qui commencait a sevir ne facilitait point.
Curieux spectacle que celui de ces hommes livres aux occupations
minutieuses et variees du menage. Les uns lavaient leur linge dans un
ruisseau dont il avait fallu casser la glace; d'autres le roussissaient
aux feux du bivouac, sans parvenir a le faire secher. Beaucoup
rajustaient les sous-pieds de leurs guetres ou recousaient des boutons,
tandis que j'avais a reparer un desastre. Riche tout juste d'un echeveau
de fil blanc tres grossier, je l'etendis de mon mieux le long de mon
vetement rouge, en impertinents zigzags.
Il nous restait d'ailleurs du temps pour voisiner. A cent pas de nous
se trouvait le parc d'artillerie, ou quelques mitrailleuses exciterent
notre curiosite. Longs cylindres munis de manivelles, qui eveillaient
l'idee d'orgues de Barbarie a musique infernale ou de moulins a chair
humaine.
Le general de Sonis avait place ses batteries de reserve sous la
garde d'une legion bretonne et vendeenne, composee des mobiles des
Cotes-du-Nord et des volontaires de l'Ouest. Ces volontaires etaient au
moins aussi curieux pour nous que les mitrailleuses, comme tout ce dont
on a beaucoup entendu parler sans l'avoir vu. Leur costume etait en
somme terne et disparate. Veste courte et pantalon bouffant, avec un
kepi a la francaise, le tout gris de fer soutache de rouge. L'oeil
est tellement habitue a voir la chechia ou le turban accompagner les
culottes turques, qu'a premiere vue le bonnet militaire a visiere
choquait chez les zouaves de Charette. Peu importe l'habit, du reste. A
la defense d'Orleans, ils s'etaient deja signales: l'honneur du combat
de Brou leur revenait en partie, et ils etaient a la veille de creer
leur belle legende, heroique et sanglante. Ils ne connurent point
cependant la rigueur des cours martiales, bien que tous n'eussent pas
leur nom inscrit sur l'_Armorial de France_ et ne fussent point soutenus
par les plus nobles sentiments.
Deux d'entre eux, au contraire,--des roturiers evidemment,--meriterent
une observation d'un officier, qui etait un parfait gentilhomme, de mine
et de coeur, allant au feu en gants de soiree et en bottes vernies.
Cette recherche, loin d'etre etudiee, etait le temoignage, pousse a
l'exces, du respect de soi-meme et la manifestation naturelle d'une
grande purete d'ame. Il n'avait pas un blason trompeur: _D'azur a une
fleur de lis au naturel, au chef d'hermine._
Or les deux zouaves qu'il avai
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