es souterraines, descendent
l'echelle de cordes, gagnent le bord de la mer, et appellent la barque.
Les deux infatigables rameurs, qui toujours a cette heure se tiennent
caches dans la grotte voisine, attentifs au signal qui doit les avertir,
mettent a flot sur-le-champ et s'approchent. Orio et sa compagne
s'elancent sur la barque et ordonnent aux matelots de s'eloigner de la
cote. Bientot ils sont assez loin du chateau pour le dessein de Soranzo.
Assis a la poupe, il se souleve, et, approchant du rameur courbe devant
lui, il lui enfonce son poignard dans la gorge.
"Trahison!" s'ecrie celui-ci; et il tombe sur ses genoux en rugissant. Son
compagnon abandonne la rame et s'elance vers lui; Naam l'etend par terre
d'un coup de hache sur la tete; et tandis qu'elle s'empare de la rame et
empeche le bateau de deriver, Orio acheve les victimes. Puis il les lie
ensemble avec un cable et les attache fortement au pied du mat. Il prend
ensuite l'autre rame et vogue a la hate vers le rocher de San-Silvio. Au
moment d'y arriver, il prend la hache, et en quelques coups perce le
plancher de la barque, ou l'eau s'elance en bouillonnant. Alors il saisit
le bras de Naam et se precipite avec elle sur la greve, tandis que la
barque s'enfonce et disparait sous les flots, avec ses deux cadavres. Un
silence affreux a regne entre ces deux criminels depuis qu'ils ont quitte
la greve pour monter sur la barque. Pendant et apres l'assassinat ils
n'ont point echange une parole.
"Allons! tout va bien, du courage!" dit Soranzo a Naam, dont il entend les
dents claquer.
Naam essaye en vain de repondre; sa gorge est serree. Elle ne perd
cependant ni sa resolution ni sa presence d'esprit. Elle remonte l'echelle
et rentre avec Orio dans la tour. Alors elle allume un flambeau, et leurs
regards se rencontrent. Leurs figures livides, leurs habits teints de sang
leur causent tant d'horreur qu'ils s'eloignent l'un de l'autre et
craignent de se toucher. Mais Orio s'efforce de raffermir par son audace
le courage ebranle de Naam.
"Ceci n'est rien, lui dit-il. La main qui a frappe le tigre
tremblera-t-elle devant l'agonie des animaux plus vils?"
Naam, toujours muette, lui fait signe de ne pas rappeler cette image. Elle
n'a eu ni regret ni remords du meurtre du pacha, mais elle ne peut
supporter qu'on lui retrace ce souvenir. Elle se hate de changer de
vetement, et tandis qu'Orio imite son exemple, elle prepare la table pour
le souper. Bientot les convives
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