zo pourra
donner revanche."
Le jeu continua comme si rien ne s'etait passe. Zuliani et Gritti
emporterent Soranzo sur la terrasse. Le patron du logis, promptement
informe de l'evenement, les y suivit avec quelques valets. On entendit des
cris etouffes, des sons etranges et affreux. Aussitot toutes les portes
qui donnaient sur les balcons furent fermees precipitamment. Sans doute,
Soranzo etait en proie a quelque horrible crise. Les instruments recurent
l'ordre de jouer, et les sons de l'orchestre couvrirent ces bruits
sinistres. Neanmoins l'epouvante glaca la joie dans tous les coeurs. Cette
scene d'agonie, qu'une vitre et un rideau separaient du bal, etait plus
hideuse dans les imaginations qu'elle ne l'eut ete pour les regards.
Plusieurs femmes s'evanouirent. La belle Argiria, profitant de la
confusion ou cette scene avait jete l'assemblee, s'etait retiree avec sa
tante.
"J'ai vu, dit le jeune Mocenigo, perir a mes cotes, sur le champ de
bataille, des centaines d'hommes qui valaient bien Soranzo; mais dans la
chaleur de l'action on est muni d'un impitoyable sang-froid. Ici l'horreur
du contraste est telle que je ne me souviens pas d'avoir ete aussi trouble
que je le suis."
On se rassembla autour de Mocenigo. On savait qu'il avait succede a
Soranzo dans le gouvernement du passage de Lepante, et il devait savoir
beaucoup de choses sur les evenements mysterieux et si diversement
rapportes de cette phase de la vie d'Orio. On pressa de questions ce jeune
officier, mais il s'expliqua avec prudence et loyaute.
"J'ignore, dit-il, si ce fut vraiment l'amour de sa femme ou quelque
maladie du genre de celle dont nous voyons la gravite qui causa l'etrange
incurie de Soranzo durant son gouvernement de Curzolari. Quoi qu'il en
soit, le brave Ezzelin a ete massacre, avec tout son equipage, a trois
portees de canon du chateau de San-Silvio. Ce malheur eut du etre prevu et
eut pu etre empeche. J'ai peut-etre a me reprocher la scene qui vient de
se passer ici; car c'est moi qui, somme par la signora Memmo de donner a
cet egard des renseignements certains, lui ai rapporte les faits tels que
je les ai recueillis de la bouche des temoins les plus surs.
--C'etait votre devoir! s'ecria-t-on.
--Sans doute, reprit Mocenigo, et je l'ai rempli avec la plus grande
impartialite. La signora Memmo, et avec elle toute sa famille, ont cru
devoir garder le silence. Mais la jeune soeur du comte n'a pu moderer la
vehemence de ses regrets. E
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