'un air suppliant et craintif. Il est retourne s'asseoir devant le lit,
et la, l'oreille dressee, le cou tendu, il semble epier avec inquietude le
reveil de sa maitresse; de temps en temps il retourne la tete vers Naam,
avec une courte plainte, comme pour l'interroger, puis il leche le
plancher humide.
Naam prend la lampe, l'approche du visage de Giovanna, et la voit baignee
dans son sang. Son sein est perce d'un seul coup de poignard; mais cette
blessure profonde, mortelle, Naam connait la main qui l'a faite, et elle
sait qu'il est inutile d'interroger ce qui peut rester de chaleur a ce
cadavre, car la ou Soranzo a frappe il n'est plus d'espoir. Naam reste
immobile en face de cette belle femme, endormie a jamais; mille pensees
nouvelles s'eveillent dans son ame; elle oublie tout ce qui a precede ce
meurtre. Elle oublie meme l'incendie qu'elle a allume et qui court apres
elle.
"O ma soeur! s'ecrie-t-elle, qu'as-tu donc fait qui ait merite la mort?
Est-ce la le sort reserve aux femmes d'Orio? A quoi t'a servi d'etre
belle? A quoi t'a servi d'aimer? Est-ce donc moi qui suis cause de la
haine que tu inspirais? Non, car j'ai tout fait pour l'adoucir, et
j'aurais donne ma vie pour sauver la tienne. Serait-ce parce que tu as
ete trop soumise et trop fidele, que l'on t'a payee de mepris? Tu as ete
faible, o femme! Je me souviendrai de toi, et ce qui t'arrive me servira
d'enseignement."
Pendant que Naam, perdue dans des reflexions sinistres, interroge sa
destinee sur le cadavre de Giovanna, l'incendie gagne toujours, et deja la
galerie de bois qui entoure le parterre est a demi consumee. Le sifflement
et la clarte sinistre avertissent en vain Naam de l'approche du feu; elle
n'entend rien, et son ame est tellement consternee que la vie ne lui
semble pas valoir en cet instant la peine d'etre disputee.
Cependant Orio s'est retire sur une plate-forme voisine, d'ou il contemple
l'incendie trop lent a son gre. Toute cette partie du chateau, dont il a
eu soin d'eloigner les habitants, va etre dans quelques minutes la proie
des flammes; mais Orio n'a pas pris le soin de porter lui-meme l'incendie
dans la chambre de Giovanna. Il entend les cris des sentinelles qui
viennent d'apercevoir la clarte sinistre, et qui donnent l'alarme.
On peut arriver a temps encore pour penetrer aupres de Giovanna, et pour
voir qu'elle a peri par le fer. Orio previent ce danger. Il se precipite,
un tison enflamme a la main, dans l'appartement conjug
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