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explication; mais je ne me releverai point que la signora Memmo ne m'ait
accorde la permission de me presenter devant elle dans son salon, a
l'heure qu'elle me designera, demain ou le jour suivant, afin qu'a deux
genoux, comme aujourd'hui, je demande grace pour les larmes que j'ai fait
couler; mais qu'ensuite, la main sur la poitrine et debout, ainsi qu'il
convient a un homme, je me disculpe de ce qu'il peut y avoir d'injuste ou
d'exagere dans les accusations portees contre moi.
--De telles explications seraient douloureuses pour nous, dit Argiria avec
fermete, et inutiles pour votre seigneurie. La reponse loyale et genereuse
que ma noble tante vient de vous faire doit, je pense, suffire a votre
susceptibilite et satisfaire a toute exigence."
Orio insista avec tant d'esprit et de persuasion, que la tante ceda, et
lui permit de se presenter le lendemain dans la journee.
"Vous trouverez bon, seigneur, dit Argiria, pour repousser la part de
reconnaissance qu'il lui adressait, que je n'assiste point a cette
conference. Tout ce que je puis faire, c'est de ne jamais prononcer votre
nom; mais il est au-dessus de mes forces de revoir une fois de plus votre
visage."
Orio se retira, feignant une profonde tristesse, mais trouvant qu'il
allait assez vite en besogne.
Le lendemain amena une longue explication entre lui et la signora Memmo.
La noble dame le recut dans tout l'appareil d'un deuil significatif; car
elle avait quitte ses voiles noirs depuis un mois, et elle les reprit ce
jour-la pour lui faire comprendre que rien ne pourrait diminuer
l'intensite de ses regrets. Orio fut habile. Il s'accusa plus qu'on n'eut
ose l'accuser: il declara qu'il avait tout fait pour laver la tache que
cette imprevoyance funeste avait imprimee sur sa vie; mais qu'en vain
l'amiral, et toute l'armee, et toute la republique, l'avaient rehabilite:
qu'il ne se consolerait jamais. Il dit qu'il regardait la mort affreuse de
sa femme comme un juste chatiment du ciel, et qu'il n'avait pas goute un
instant de repos depuis cette deplorable affaire. Enfin il peignit sous
des couleurs si vives le sentiment qu'il avait de son propre deshonneur,
l'isolement volontaire ou s'eteignait son ame decouragee, le profond degout
qu'il avait de la vie, et la ferme intention ou il etait de ne plus lutter
contre la maladie et le desespoir, mais de se laisser mourir, que la bonne
Antonia fondit bientot en larmes, et lui dit en lui tendant la main:
"Pleurons donc
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