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frappent doucement a la porte. Elle les introduit. Ils s'etonnent de ne voir aucun serviteur occupe au service du repas. "J'ai des communications importantes a vous faire, leur dit Orio, et le secret de notre entretien ne souffre pas de temoins inutiles. Ces fruits et ce vin suffiront pour une collation qui n'est ici qu'un pretexte. Le temps n'est pas venu de se livrer au plaisir. C'est dans la belle Venise, au sein des richesses et a l'abri des dangers, que nous pourrons passer les nuits en de folles orgies. Ici il s'agit de regler nos comptes et de parler d'affaires. Naam, donne-nous des plumes et du papier. Mezzani, vous serez le secretaire, et Fremio fera les calculs. Leontio, versez-nous du vin a tous pendant ce temps." Des le commencement, Fremio eleva des pretentions injustes, et soutint que Leontio ne lui avait pas donne une reconnaissance exacte des valeurs deposees par lui sur la galere. Orio feignit d'ecouter leur debat avec l'attention d'un juge integre. Au moment ou ils etaient le plus echauffes, le renegat, qui s'exprimait avec difficulte, et dont le langage grossier faisait sourire de mepris les autres convives, se troubla de depit et de honte, et but a plusieurs reprises pour se donner de l'audace; mais ses paroles devinrent de plus en plus confuses, et, frappant du pied avec rage, il quitta la dispute et passa sur le balcon. Naam le suivit des yeux. Au bout d'un instant, et comme la dispute continuait entre Leontio et Mezzani, un regard echange avec son esclave apprit a Soranzo que Fremio ne parlerait plus. Il etait assis sur la terrasse, les jambes pendantes, les bras enlaces aux barreaux de la balustrade, la tete penchee, les yeux fixes. "Est-il deja ivre? dit Leontio. --Oui, et tant mieux, repondit le lieutenant. Terminons nos affaires sans lui." Il essaya de lire ce que Leontio ecrivait; sa vue se troubla. "Ceci est etrange, dit-il en portant sa main a son front; moi aussi, je suis ivre. Messer Soranzo, ceci est une infamie: vous nous servez du vin qu'on ne peut boire sans perdre aussitot la force de savoir ce qu'on fait... Je ne signerai rien avant demain matin." Il retomba sur sa chaise, les yeux fixes, les levres violettes, les bras etendus sur la table. "Qu'est-ce? dit Leontio en se retournant et en le regardant avec effroi; seigneur gouverneur, ou je n'ai jamais vu mourir personne, ou cet homme vient de rendre l'ame. --Et vous allez en faire autant, seigneur commandant, lui
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