une pierre, ayant Naam debout a ses cotes, gardait un silence
farouche. Le donjon brulait encore, et la teinte du jour naissant rendait
toujours plus affreuse celle de l'incendie. Personne ne songeait plus a
combattre le fleau. Des pleurs, des blasphemes se faisaient entendre dans
les divers groupes. Ceux-ci regrettaient un ami, ceux-la quelque effet
precieux; tous se demandaient a voix basse:
"Mais ou donc est la signera Soranzo? L'a-t-on enfin sauvee, que le
gouverneur parait si tranquille?"
Tout a coup un fracas, plus epouvantable que tous les autres, fit
tressaillir d'effroi les courages les mieux eprouves. Un craquement
general ebranla du haut en bas la masse de pierres noircies qui se
defendait encore contre les flammes. Les flancs balsatiques du rocher en
furent ebranles, et des fentes profondes sillonnerent ce bloc immense,
comme lorsque la foudre fait eclater le tronc d'un vieil arbre. Toute la
partie superieure du donjon, les vastes terrasses de marbre les
plates-formes des tours et le couronnement dentele s'ecroulerent
spontanement. Les flammes furent etouffees apres s'etre divisees en mille
langues ardentes qui semblaient ruisseler en cascades de feu sur les
flancs de l'edifice. Cette forteresse ne presenta plus alors qu'un informe
amas de pierres d'ou s'exhalaient les tourbillons noirs d'une acre fumee
et quelques faibles jets de flamme palissante, dernieres emanations
peut-etre des vies ensevelies sous ces decombres.
Alors il se fit un silence de mort, et les pales habitants de l'ile, epars
sur la greve humide, se regarderent comme des spectres qui se relevent du
tombeau en secouant leurs suaires poudreux. Mais du sein de ces ruines, ou
toute manifestation de la vie semblait a jamais etouffee, on entendit
sortir une voix etrange, lamentable, un hurlement qu'il etait impossible
de definir et qui se prolongea d'une maniere dechirante pendant plusieurs
minutes, jusqu'a ce qu'il cessat par un aboiement rauque, etouffe, un
dernier cri de mort; apres quoi on n'entendit plus que la voie de la mer,
eternellement destinee a gemir sur cette rive devastee.
"Ou se sera refugie ce chien ensorcele pour n'etre ecrase qu'a cette
heure? dit Orio a Naam.
--Vous etes sur, repondit Naam, que maintenant il ne reste plus rien
de.....
--Partons!" dit Orio en levant ses deux bras vers les pales etoiles qui
s'eteignaient dans la blancheur du matin.
Ceux qui le virent de loin prirent ce geste pour l'elan d'un desespo
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