ntendons-nous; le
physique va mourir si le moral ne se releve: rien n'est plus facile que ce
dernier point, si vous croyez au moyen que je vais vous indiquer. Ne
changez pas de fond en comble l'habitude de vos pensees, et ne traitez pas
votre mal par les contraires. N'eteignez point vos passions, elles seules
vous ont fait vivre; c'est parce qu'elles s'affaiblissent que vous mourez:
seulement abandonnez celles qui s'en vont d'elles-memes, et creez-vous-en
de nouvelles. Vous etes homme de plaisir, et le plaisir est epuise;
faites-vous homme d'etude et de science. Vous etes incredule, vous raillez
les choses saintes; allez dans les eglises et faites l'aumone!"
Ici Soranzo leva les epaules.....
"Un instant! dit le medecin. Je ne pretends pas que vous deveniez savant
ni devot. Vous pourriez etre l'un et l'autre, je n'en doute pas, car les
hommes de votre temperament peuvent tout; mais je ne m'interesse ni a la
science ni a la devotion assez pour vouloir vous prouver leur superiorite
sur l'oisivete et la licence. Je n'entre jamais dans la discussion des
choses pour elles-memes, je les conseille comme des moyens de distraction,
comme mes confreres conseillent l'absinthe et la casse. La vue des livres
vous distraira de celle des bouteilles. Vous aurez une magnifique
bibliotheque, et votre luxe trouvera la un debouche; vous ne savez pas les
delices que peut vous procurer une reliure, et les folies que vous pouvez
faire pour une edition de choix. Dans les eglises, vous entendrez des
cantiques qui vous delasseront les oreilles des chansons licencieuses.
Vous y verrez des spectacles non moins profanes et des hommes non moins
vaniteux que ceux du monde; vous leur ferez des dons qui vous assureront
dans les siecles futurs cette reputation d'homme genereux et prodigue, qui
va finir avec vous si vous ne guerissez et ne changez de marotte. Ainsi,
soyez votre medecin a vous-meme, et avisez-vous de quelque chose dont vous
n'ayez jamais eu envie, procurez-vous-le a l'instant. Bientot une foule de
desirs qui sommeillent en vous se reveilleront, et leur satisfaction vous
donnera des jouissances inconnues. Ne vous croyez pas use; vous n'etes pas
seulement fatigue, vous avez encore en vous la force de depenser vingt
existences: c'est a cause de cela que vous vous tuez a n'en depenser
qu'une seule. Le monde finirait s'il ne se renouvelait sans cesse par le
changement; l'abattement ou vous etes n'est qu'un exces de vie qui demande
a changer d
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