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'aliment. Eh bien! a quoi songez-vous? vous n'ecoutez pas. --Je cherche, dit Soranzo tout a fait vaincu par la maniere dont l'Esculape entendait les choses, une fantaisie que je n'aie point eue encore. J'ai eu celle des beaux livres, bien que je ne lise jamais, et ma bibliotheque est superbe... Quant aux eglises... j'y songerai; mais je voudrais que vous m'aidassiez a trouver quelque jouissance plus neuve, plus eloignee encore de mes frenesies; si je pouvais devenir avare! --Je vous entends fort bien, repondit Barbolamo frappe de l'air hebete de son malade. Vous allez au fond des choses, et remontez au principe pur de mon raisonnement; car je ne vous offrais qu'une issue nouvelle a vos passions, et vous voulez changer vos passions. Moi, je n'ai rien a dire contre l'avarice; cependant je crains une trop forte reaction dans le saut de cet abime. Dites-moi, avez-vous ete quelquefois amoureux naivement et sincerement? --Jamais! dit Orio, oubliant tout d'un coup, dans son espoir d'etre gueri, ce role de veuf au desespoir qui protegeait tout le mystere de sa vie. --Eh bien! dit le medecin, qui ne fut nullement surpris de cette reponse (car il voyait deja plus avant que la foule dans l'ame seche et cupide de Soranzo), soyez amoureux. Vous commencerez par ne pas l'etre, et par faire comme si vous l'etiez; puis vous vous figurerez que vous l'etes, et enfin vous le serez. Croyez-moi, les choses se passent ainsi en vertu de lois physiologiques que je vous expliquerai quand vous voudrez." Orio voulut connaitre ces lois. Le docteur lui fit une dissertation amerement spirituelle que le patricien ignorant et preoccupe prit au serieux. Orio se persuada tout ce que voulut son medecin, et celui-ci le quitta, frappe pour la centieme fois de sa vie de la faiblesse d'esprit et de l'horreur de la mort que les debauches cachent sous les dehors et les habitudes d'un mepris insense de la vie. Des le jour meme, Orio, roulant dans sa tete les projets les plus deraisonnables et les esperances les plus pueriles, se rendit a Saint-Marc a l'heure de la benediction. En lui promettant la sante par des moyens aussi simples, en flattant sa vanite par l'eloge de son energie, le docteur avait prononce des mots magiques. Soranzo esperait dormir la nuit suivante. Il ecouta les chants sacres; il examina avec interet les pompes religieuses; il admira l'interieur de la basilique; il s'attacha a n'avoir aucun souvenir du passe, aucune pensee du deh
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