al; mais, en voyant
Naam debout devant le lit sanglant, il recule epouvante comme a l'aspect
d'un spectre. Puis une pensee infernale traverse son ame maudite. Tous ses
complices sont ecartes, tous ses ennemis sont aneantis. Le seul confident
qui lui reste, c'est Naam. Elle seule desormais pourra reveler par quels
forfaits ses richesses furent acquises et conservees. Un dernier effort de
volonte, un dernier coup de poignard rendrait Orio maitre absolu,
possesseur unique de ses secrets. Il hesite, mais Naam se retourne et le
regarde. Soit qu'elle ait pressenti son dessein, soit que le meurtre de
Giovanna ait empreint d'indignation et de reproche son front livide et son
regard sombre, ce regard exerce sur Orio une fascination magique; son ame
conserve le desir du mal, mais elle n'en a plus la force. Orio a compris
en cet instant que Naam est un etre plus fort que lui, et que sa destinee
ne lui appartient pas comme celle de ses autres victimes. Orio est saisi
d'une peur superstitieuse. Il tremble comme un homme surpris par le
_mauvais oeil_. Il fait du moins un effort pour achever d'aneantir
Giovanna, et, jetant son brandon sur le lit: "Que faites-vous ici? dit-il
d'un air farouche a Naam. Ne vous avais-je pas ordonne de sonner la
cloche? Allez, obeissez! Voyez! le feu nous poursuit!
--Orio, dit Naam sans se deranger et sans quitter la main du cadavre
qu'elle a prise dans les siennes, pourquoi as-tu tue ta femme? c'est un
grand crime que tu as commis! Je te croyais plus qu'un homme, et je vois
maintenant que tu es un homme comme les autres, capable de bien et de mal!
Comment te respecterai-je maintenant que je sais que l'on doit te craindre,
Orio? Ceci est une chose que je ne pourrai jamais oublier, et tout mon
amour pour toi ne me suggere rien a cette heure qui puisse l'excuser. Plut
a Dieu que tu ne l'eusses point fait, et que je ne l'eusse point vu! Je ne
sais si ton Dieu te pardonnera; mais a coup sur Allah maudit l'homme qui
tue sa femme chaste et fidele.
--Sortez d'ici, s'ecrie Soranzo, qui craint d'etre surpris en ce lieu et
durant cette querelle. Faites ce que je vous commande et taisez-vous, ou
craignez pour vous-meme."
Naam le regarde fixement, et lui montrant les flammes qui s'elancent en
gerbe par la porte:
"Celui de nous deux qui traversera ceci avec le plus de calme, lui
dit-elle, aura le droit de menacer l'autre et de l'effrayer."
Et, tandis qu'Orio, vaincu par le peril, s'elance rapidement hors de l
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