rniere fois peut-etre,
elle me rendra ce bonheur qu'elle seule m'a fait connaitre sur la terre."
En parlant ainsi, il l'enlace dans ses bras, et humilie devant elle ce
front superbe qui tant de fois l'a fait trembler. En meme temps il cherche
a lire dans ses yeux le degre de confiance qu'il inspire, ou de soupcon
qu'il lui reste a combattre. Il pense qu'il est temps encore de reprendre
son empire sur cette femme qui l'a tant aime, et aupres de qui, tant qu'il
l'a voulu, sa puissance de persuasion n'a jamais echoue. Mais elle se
degage de ses etreintes et le repousse froidement.
"Laissez-moi, lui dit-elle. S'il reste un moyen humain de rehabiliter
votre honneur, je vous en felicite; mais il n'en est aucun pour vous de
ressaisir sur moi vos droits d'epoux. Si vous succombez dans votre
entreprise, vos fautes seront peut-etre expiees, et je prierai pour vous;
mais si vous survivez, je n'en serai pas moins separee de vous pour
jamais."
Orio palit et fronce le sourcil; mais Giovanna ne s'emeut plus de sa
colere. Orio se contient et persiste a l'implorer. Il feint de prendre sa
froideur pour du depit; il l'interroge, il veut savoir si elle persiste a
l'accuser. Giovanna refuse de s'expliquer.
"Je ne dois compte de mes pensees qu'a Dieu, lui dit-elle; Dieu seul est
desormais mon epoux et mon maitre. J'ai tant souffert de l'amour terrestre
que j'en ai reconnu le neant. J'ai fait un voeu: en rentrant a Venise, je
ferai rompre mon mariage par le pape, et je prendrai le voile dans un
couvent."
Orio affecte de rire de cette resolution. Il feint de n'y point croire et
d'esperer que, dans quelques heures, Giovanna se laissera flechir par ses
caresses. Il se retire d'un air presomptueux qui remplit de mepris cette
ame tendre, mais fiere, qui ne peut plus aimer l'etre qu'elle meprise, et
qui a reporte vers le ciel tout son espoir et toute sa foi.
Naam attendait Orio a la porte de la tour. Elle lui trouva l'air farouche,
la parole breve et la voix tremblante.
"Quelle heure vient de sonner, Naam?
--Deux heures avant minuit.
--Tu sais ce que nous avons a faire?
--Tout est pret.
--Les convives seront-ils a minuit dans ma chambre?
--Ils y seront.
--As-tu ton poignard?
--Oui, maitre, et voici le tien.
--Es-tu sure de toi-meme, Naam?
--Maitre, es-tu sur de leur trahison?
--Je te l'ai dit. Doutes-tu de ma parole?
--Non, maitre.
--Marchons donc!
--Marchons!"
Orio et Naam penetrent dans les galeri
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