ent de son ile et
de sa garnison a un Mocenigo qu'il envoie a sa place. Morosini ordonne
aussi a Soranzo de ramener sa femme avec lui, et de laisser a Mocenigo la
galeace qu'il commandait, et dont il a fait si peu d'usage.
Mais Soranzo, qui entretient des espions a Corfou et dont les messagers
rapides devancent l'escadre de Mocenigo, a ete averti a temps. Il n'a pas
attendu jusqu'a ce jour pour mettre en surete les riches captures qu'il a
faites de concert avec Hussein et ses associes. Il a converti toutes ses
prises en or monnaye. Une partie est deja rendue a Venise. Orio a fait
equiper la galere sur laquelle Giovanna est venue le trouver. Aide de Naam
et de ses affides, il y a porte, durant la nuit, des caisses pesantes et
des outres de peau de chameau remplies d'or: c'est le reste de ses tresors,
et la galere est prete a mettre a la voile. Il annonce a ses officiers
que la signora veut retourner a Venise, et ne leur laisse pas soupconner
la disgrace qui le menace et dont il se rit desormais, car il a tout
prevu. Les pirates sont avertis. Hussein cingle rapidement avec sa
flottille vers le grand archipel, refuge assure ou il bravera les forces
venitiennes, et ou l'on assure qu'il est mort longtemps apres, a l'age de
quatre-vingt-six ans, exercant toujours la piraterie et n'etant jamais
tombe au pouvoir de ses adversaires.
Le juif albanais l'accompagne. Condamne a mort a Venise pour plusieurs
meurtres, il n'est point a craindre pour Orio qu'il ose jamais y
retourner. Mais le renegat Fremio, dont les crimes sont moins constates et
l'audace plus grande, lui inspire de la mefiance. Il l'interroge, il
apprend de lui que son desir est de retourner en Italie, et il craint ses
delations. Il l'invite a rester avec lui, et s'engage a le faire rentrer
dans Venise, sur sa galere, sans qu'il soit expose aux poursuites de la
loi. Le renegat, tout mefiant qu'il est, s'abandonne a l'espoir de finir
paisiblement ses jours dans sa patrie, au sein des richesses que le
brigandage lui a procurees. Il depose son butin sur la galere qui porte
deja celui d'Orio, et, changeant de costume et de manieres, il se fait
passer dans l'ile pour un negociant genois echappe a l'esclavage des
Ottomans et refugie sous la protection de Soranzo.
Le commandant Leontio, le lieutenant de vaisseau Mezzani, et les deux
matelots qui conduisent la barque mysterieuse de Soranzo parmi les ecueils,
sont, avec le renegat, les seuls complices qu'Orio ait desormais
|