nuit ni
calme durant le jour. Sa tranquillite n'est qu'exterieure, son ame est en
proie a mille tortures. Elle a devine l'horrible verite: elle n'espere
plus rien; elle cherche, au contraire, a augmenter par l'evidence la
certitude de sa honte et de son malheur.
L'horloge a sonne minuit. Un profond silence regne dans l'ile et dans le
chateau. Le temps est calme et clair, la mer silencieuse. Giovanna est a
sa fenetre secrete. Elle entend l'approche de la barque au pied du rocher.
Elle voit des ombres se dresser sur la rive, et comme des taches noires se
mouvoir regulierement sur le sable blanc. Ce n'est ni Orio ni Naam, car le
levrier ecoute et ne donne aucun signe d'affection ni de haine. La barque
s'eloigne; mais les ombres qui en sont sorties ont disparu, comme si elles
se fussent enfoncees dans la profondeur du rocher.
Cette fois, l'air est si sonore et la mer si paisible que les moindres
bruits arrivent a l'oreille de Giovanna. Les anneaux de fer ont crie
faiblement dans leurs crampons; l'echelle a grince sous le poids d'un
homme: une voix a appele d'en haut avec precaution; plusieurs voix ont
murmure d'en bas; un signal, le cri d'un oiseau de nuit mal imite, a ete
echange. Tout rentre dans le silence. L'oeil ne peut rien saisir; la base
du rocher rentre en cet endroit sous la corniche des roches superieures.
Mais tout a coup des mouvements sourds, des sons inarticules ont retenti
aux entrailles de la terre. Giovanna colle son oreille sur le tapis de sa
chambre. Elle entend le bruit de plusieurs personnes qui se meuvent comme
dans une cave situee au-dessous de son appartement. Puis elle n'entend
plus rien.
Mais elle veut eclaircir entierement le mystere. Cette fois, ce n'est plus
a l'instinct divinatoire et a la revelation angelique des songes qu'elle
demandera la lumiere, c'est au temoignage de ses sens. Elle ne songe plus
a mettre son voile: peu lui importe d'etre reconnue et maltraitee.
Demi-nue et les cheveux flottants, elle court sans precaution dans les
galeries et dans les escaliers, elle s'elance vers la tour de Soranzo.
Elle ne connait plus la pudeur de l'orgueil outrage, ni la timide
soumission de la femme, ni la crainte de la mort. Elle veut savoir et
mourir. Orio a donne cependant des ordres severes pour que la porte de ses
appartements soit gardee a vue. Mais les consciences coupables craignent
l'horreur de la nuit. Le garde, qui voit venir a lui cette femme echevelee
avec tant d'assurance et les y
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