tte question sans cesse
posee: que dois-je faire? qui puis-je aller voir pour n'etre pas seul?
Et je vais de camarade en camarade, de poignee demain en poignee
demain, mendiant un peu d'amitie. J'en recueille des miettes qui ne
font pas un morceau--Vous, j'ai Vous, mon amie, mais vous n'etes pas
a moi. C'est meme peut-etre de vous que me vient l'angoisse dont je
souffre, car c'est le desir de votre contact, de votre presence, du
meme toit sur nos tetes, des memes murs enfermant nos existences,
du meme interet serrant nos coeurs, le besoin de cette communaute
d'espoirs, de chagrins, de plaisirs, de gaite, de tristesse et aussi
de choses materielles, qui mettent en moi tant de souci. Vous etes a
moi, c'est-a-dire que je vole un peu de vous de temps en temps. Mais
je voudrais respirer sans cesse l'air meme que vous respirez, partager
tout avec vous, ne me servir que de choses qui appartiendraient a nous
deux, sentir que tout ce dont je vis est a vous autant qu'a moi, le
verre dans lequel je bois, le siege sur lequel je me repose, le pain
que je mange et le feu qui me chauffe.
"Adieu, revenez bien vite. J'ai trop de peine loin de vous.
"OLIVIER."
"Roncieres, 8 aout.
"Mon ami, je suis malade, et si fatiguee que vous ne me reconnaitrez
point. Je crois que j'ai trop pleure. Il faut que je me repose un peu
avant de revenir, car je ne veux pas me remontrer a vous comme je
suis. Mon mari part pour Paris apres-demain et vous portera de nos
nouvelles. Il compte vous emmener diner quelque part et me charge de
vous prier de l'attendre chez vous vers sept heures.
"Quant a moi, des que je me sentirai un peu mieux, des que je n'aurai
plus cette figure de deterree qui me fait peur a moi-meme, je
retournerai pres de vous. Je n'ai, au monde, qu'Annette et vous, moi
aussi, et je veux offrir a chacun de vous tout ce que je pourrai lui
donner, sans voler l'autre.
"Je vous tends mes yeux qui ont tant pleure, pour que vous les
baisiez.
"ANNE."
Quand il recut cette lettre annoncant le retour encore retarde,
Olivier Bertin eut envie, une envie immoderee, de prendre une voiture
pour aller a la gare, et le train pour aller a Roncieres; puis,
songeant que M. de Guilleroy devait revenir le lendemain, il se
resigna et se mit a desirer l'arrivee du mari avec presque autant
d'impatience que si c'eut ete celle de la femme elle-meme.
Jamais il n'avait aime Guilleroy comme en ces vingt-quatre heures
d'attente.
Quand il le vit ent
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