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la longue descente du parc Monceau a Saint-Augustin, on apercoit cinq ou six formes noires, passants sans importance, fournisseurs ou domestiques. L'ombre des platanes etale au pied des arbres, sur les trottoirs brulants, une tache bizarre, qu'on dirait liquide commode l'eau repandue qui seche. L'immobilite des feuilles dans les branches et de leur silhouette grise sur l'asphalte, exprime la fatigue de la ville rotie, sommeillant et transpirant a la facon d'un ouvrier endormi sur un banc sous le soleil. Oui, elle sue, la gueuse, et elle pue affreusement par ses bouches d'egout, les soupiraux des caves et des cuisines, les ruisseaux ou coule la crasse de ses rues. Alors, je pense a ces matinees d'ete, dans votre verger plein de petites fleurs champetres qui donnent a l'air un gout de miel. Puis, j'entre, ecoeure deja, au restaurant ou mangent, avec des airs accables, des hommes chauves et ventrus, au gilet entr'ouvert, et dont le front moite reluit. Toutes ces nourritures ont chaud, le melon qui fond sous la glace, le pain mou, le filet flasque, le legume recuit, le fromage purulent, les fruits muris a la devanture. Et je sors avec la nausee, et je retourne chez moi pour essayer de dormir un peu, jusqu'a l'heure du diner que je prends au Cercle. "J'y retrouve toujours Adelmans, Maldant, Rocdiane, Landa et bien d'autres, qui m'ennuient et me fatiguent autant que des orgues de Barbarie. Chacun a son air, ou ses airs, que j'entends depuis quinze ans, et ils les jouent tous ensemble, chaque soir, dans ce cercle, qui est, parait-il, un endroit ou l'on va se distraire. On devrait bien me changer ma generation dont j'ai les yeux, les oreilles et l'esprit rassasies. Ceux-la font toujours des conquetes; ils s'en vantent et s'entre-felicitent. "Apres avoir baille autant de fois qu'il y a de minutes entre huit heures et minuit, je rentre me coucher et je me deshabille en songeant, qu'il faudra recommencer demain. "Oui, ma chere amie, je suis a l'age ou la vie de garcon devient intolerable, parce qu'il n'y a plus rien de nouveau pour moi, sous le soleil. Un garcon doit etre jeune, curieux, avide. Quand on n'est plus tout cela, il devient dangereux de rester libre. Dieu, que j'ai aime ma liberte, jadis, avant de vous aimer plus qu'elle! Comme elle me pese aujourd'hui! La liberte, pour un vieux garcon comme moi, c'est le vide, le vide partout, c'est le chemin de la mort, sans rien, dedans pour empecher de voir le bout, c'est ce
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