aniers, des
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palmiers, un baobab, des nopals, des cactus, des figuiers de
Barbarie, a se croire en pleine Afrique centrale, a dix mille lieues
de Tarascon. Tout cela, bien entendu, n'etait pas de grandeur
naturelle; ainsi les cocotiers n'etaient guere plus gros que des
[5]betteraves, et le baobab (_arbre geant, arbos gigantea_) tenait a
l'aise dans un pot de reseda; mais c'est egal! pour Tarascon
c'etait deja bien joli, et les personnes de la ville, admises le
dimanche a l'honneur de contempler le baobab de Tartarin, s'en
retournaient pleines d'admiration.
[10]Pensez quelle emotion je dus eprouver ce jour-la en traversant
ce jardin mirifique!... Ce fut bien autre chose quand on
m'introduisit dans le cabinet du heros.
Ce cabinet, une des curiosites de la ville, etait au fond du
jardin, ouvrant de plain-pied sur le baobab par une porte
[15]vitree.
Imaginez-vous une grande salle tapissee de fusils et de sabres,
depuis en haut jusqu'en bas; toutes les armes de tous les pays
du monde: carabines, rifles, tromblons, couteaux corses,
couteaux catalans, couteaux-revolvers, couteaux-poignards, krish
[20]malais, fleches caraibes, fleches de silex, coups-de-poing,
casse-tete, massues hottentotes, lazos mexicains, est-ce que je sais!
Par la-dessus, un grand soleil feroce qui faisait luire l'acier
des glaives et les crosses des armes a feu, comme pour vous
donner encore plus la chair de poule.... Ce qui rassurait un
[25]peu pourtant, c'etait le bon air d'ordre et de proprete qui regnait
sur toute cette yataganerie. Tout y etait range, soigne, brosse,
etiquete comme dans une pharmacie; de loin en loin, un petit
ecriteau bonhomme sur lequel on lisait:
_Fleches empoisonnees, n'y touchez pas!_
[30]Ou:
_Armes chargees, mefiez-vous!_
Sans ces ecriteaux, jamais je n'aurais ose entrer.
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Au milieu du cabinet, il y avait un gueridon. Sur le gueridon,
un flacon de rhum, une blague turque, les Voyages du capitaine
Cook, les romans de Cooper, de Gustave Aimard, des recits de
chasse a l'ours, chasse au faucon, chasse a l'elephant,
[5]Etc.... Enfin, devant le gueridon, un homme etait assis, de
quarante a quarante-cinq ans, petit, gros, trapu, rougeaud, en
bras de chemise, avec des calecons de flanelle, une forte barbe
courte et des yeux flamboyants, d'une main il tenait un livre,
de l'autre il brandissait une enorme pipe a couvercle de fer, et,
[10]tout en lisant je ne sais quel formidable recit de chasse
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