siniere, qui couchaient
dans la meme chambre, furent alarmees pendant la nuit par quelque
chose que leurs esprits superstitieux transformerent en une
apparition.
Apres le dejeuner, je tenais compagnie a l'oncle Jeremie, qui,
grace a l'aide constante de son souffleur, emettait a jet contenu
des citations de poesies de la frontiere ecossaise, lorsqu'on
frappa a la porte.
La domestique entra.
Elle etait suivie de pres par la cuisiniere, personne replete mais
craintive.
Elles s'encourageaient, se poussaient mutuellement.
Elles debiterent leur histoire par strophe et antistrophe, comme
un choeur grec, Jeanne parlant jusqu'a ce que l'haleine lui
manquat, et laissant alors la parole a la cuisiniere qui se voyait
a son tour interrompue.
Une bonne partie de ce qu'elles dirent resta a peu pres
inintelligible pour moi, a raison du dialecte extraordinaire
qu'elles employaient, mais je pus saisir la marche generale de
leur recit.
Il parait que pendant les premieres heures du jour, la cuisiniere
avait ete reveillee par quelque chose qui lui touchait la figure.
Se reveillant tout a fait, elle avait vu une ombre vague debout
pres de son lit, et cette ombre s'etait glissee sans bruit hors de
la chambre.
La domestique s'etait eveillee au cri pousse par la cuisiniere et
affirmait carrement avoir vu l'apparition.
On eut beau les questionner en tous sens, les raisonner, rien ne
put les ebranler, et elles conclurent en donnant leurs huit jours,
preuve convaincante de leur bonne foi et de leur epouvante.
Elles parurent extremement indignees de notre scepticisme et cela
finit par leur sortie bruyante, ce qui produisit de la colere chez
l'oncle Jeremie, du dedain cher Copperthorne, et me divertit
beaucoup.
Je passai dans ma chambre presque toute ma seconde journee de
visite, et j'avancai considerablement ma besogne.
Le soir, John et moi, nous nous rendimes a la garenne de lapins
avec nos fusils.
En revenant, je contai a John la scene absurde qu'avaient faite le
matin les domestiques, mais il ne me parut pas qu'il en saisit,
autant que moi, le cote grotesque.
-- C'est un fait, dit-il, que dans les tres vieilles demeures
comme celle-ci, ou la charpente est vermoulue et deformee, on voit
quelquefois certains phenomenes curieux qui predisposent l'esprit
a la superstition. J'ai deja entendu, depuis que je suis ici,
pendant la nuit, une ou deux choses qui auraient pu effrayer un
homme nerveux et a plus forte rai
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