-- C'est bien singulier, dit-il, que personne ne l'ait vue depuis
le diner. Les enfants ne savent pas ou elle est. J'ai a lui dire
quelque chose en particulier.
Il s'eloigna, sans la moindre expression d'agitation et de trouble
sur sa physionomie.
Pour moi, l'absence de miss Warrender n'etait pas faite pour me
surprendre.
Sans aucun doute, elle etait quelque part dans les massifs, se
montant la tete pour la terrible besogne qu'elle avait entrepris
d'executer.
Je fermai la porte sur moi, et m'assis, un livre a la main, mais
l'esprit trop agite pour en comprendre le contenu.
Mon plan de campagne etait deja construit.
J'avais resolu de me tenir en vue de leur lieu de rendez-vous, de
les suivre, et d'intervenir au moment ou mon intervention serait
le plus efficace.
Je m'etais pourvu d'un gourdin solide, noueux, cher a mon coeur
d'etudiant, et grace auquel j'etais sur de rester maitre de la
situation.
Je m'etais, en effet, assure que Copperthorne n'avait pas d'armes
a feu.
Je ne me rappelle aucune epoque de ma vie ou les heures m'aient
paru si longues, que celles que je passai, ce jour-la, dans ma
chambre.
J'entendais au loin le son adouci de l'horloge de Dunkelthwaite
qui marqua huit heures, puis neuf, puis, apres un silence
interminable, dix heures.
Ensuite, comme j'allais et venais dans ma chambrette, il me sembla
que le temps eut suspendu completement son cours, tant j'attendais
l'heure avec crainte et aussi avec impatience, ainsi qu'on le fait
quand on doit affronter quelque grave epreuve.
Neanmoins tout a une fin, et j'entendis, a travers l'air calme de
la nuit, le premier coup argentin qui annoncait la onzieme heure.
Alors je me levai, me chaussai de pantoufles en feutre, pris ma
trique et me glissai sans bruit hors de ma chambre pour descendre
par le vieil escalier grincant.
J'entendis le ronflement bruyant de l'oncle Jeremie a l'etage
superieur.
Je parvins a trouver mon chemin jusqu'a la porte a travers
l'obscurite. Je l'ouvris et me trouvai dehors sous un beau ciel
plein d'etoiles.
Il me fallait etre tres attentif dans mes mouvements, car la lune
brillait d'un tel eclat qu'on y voyait presque comme en plein
jour.
Je marchai dans l'ombre de la maison jusqu'a ce que je fusse
arrive a la haie du jardin.
Je rampai a l'abri qu'elle me donnait et je parvins sans encombre
dans le massif ou je m'etais trouve la nuit precedente.
Je traversai cet endroit, en marchant avec
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