reguliere, par boutades.
De temps a autre, l'oncle Jeremie, de son pas trainant, entrait
chez moi, un rouleau de manuscrits a la main, pour me lire des
extraits de son grand poeme epique.
Lorsque j'eprouvais le besoin d'une societe, j'allais faire un
tour dans le laboratoire de John, de meme qu'il venait me trouver
chez moi, quand la solitude lui pesait.
Parfois, je variais la monotonie de mes etudes en prenant mes
livres et m'installant a l'aise dans les massifs ou je passais le
jour a travailler.
Quant a Copperthorne, je l'evitais autant que possible, et de son
cote il n'avait nullement l'air empresse de cultiver ma
connaissance.
Un jour, dans la seconde semaine de juin, John vint me trouver un
telegramme a la main et l'air extremement ennuye.
-- En voila, une affaire! s'ecria-t-il. Le papa m'enjoint de
partir seance tenante pour me rendre a Londres. Ce doit etre pour
quelque histoire de legalite. Il a toujours menace de mettre ordre
a ses affaires, et maintenant il lui a pris une crise d'energie et
il veut en finir.
-- Vous ne serez pas longtemps absent, je suppose? dis-le.
-- Une semaine ou deux peut-etre. C'est une chose bien
desagreable. Cela tombe juste au moment ou je comptais reussir a
decomposer cet alcaloide.
-- Vous le retrouverez tel quel quand vous reviendrez, dis-je en
riant. Il n'y a personne ici qui se mele de le decomposer en votre
absence.
-- Ce qui m'ennuie le plus, c'est de vous laisser ici, reprit-il.
Il me semble que c'est mal remplir les devoirs de l'hospitalite
que de faire venir un camarade dans ce sejour solitaire et de s'en
aller brusquement en le plantant la.
-- Ne vous tourmentez pas a mon sujet repondis-je. J'ai beaucoup
trop de besogne pour me sentir seul. En outre, j'ai trouve ici des
attractions sur lesquelles je ne comptais pas du tout. Je ne crois
pas qu'il y ait dans ma vie six semaines qui m'aient paru aussi
courtes que les dernieres.
-- Oh! elles ont passe si vite que cela? dit John, en se moquant.
Je suis convaincu qu'il etait toujours dans son illusion de me
croire amoureux fou de la gouvernante.
Il partit ce meme jour par un train du matin, en promettant
d'ecrire et de nous envoyer son adresse a Londres, car il ne
savait pas dans quel hotel son pere descendrait.
Je ne me doutais pas des consequences qui resulteraient de ce
mince detail, je ne me doutais pas non plus de ce qui allait
arriver avant que je pusse revoir mon ami.
A ce moment-la
|