ma vie passee.
Comme nous suivions lentement le sentier qui traverse le bois,
nous vimes Copperthorne arriver en sens oppose.
-- Je vous cherchais tous, dit-il en feignant maladroitement un
ton jovial, je voulais vous informer qu'il est l'heure de diner.
-- Nos montres nous l'ont deja dit, repondit John d'une voix qui
me parut plutot bourrue.
-- Et vous avez couru le lapin ensemble, dit le secretaire, en
marchant a pas comptes pres de nous.
-- Pas ensemble, repondis-je, nous avons rencontre miss Warrender
et les enfants, en revenant.
-- Oh! miss Warrender est allee a votre rencontre, quand vous
reveniez, dit-il.
Cette facon de retourner promptement le sens de mes paroles, et le
ton narquois qu'il y mit, me vexerent au point que j'eusse repondu
par une vive riposte, si je n'avais pas ete retenu par la presence
de la jeune dame.
Au meme moment, je tournai les yeux vers la gouvernante et je vis
briller dans son regard un eclair de colere a l'adresse de
l'interlocuteur, ce qui me prouva qu'elle partageait mon
indignation.
Aussi fus-je bien surpris cette meme nuit quand, vers dix heures,
m'etant mis a la fenetre de ma chambre, je les vis se promenant
ensemble au clair de lune et causant avec animation.
Je ne sais comment cela se fit, mais cette vue m'agita au point
qu'apres quelques vains efforts pour reprendre mes etudes, je mis
mes livres de cote et renoncai au travail pour ce soir-la.
Vers onze heures, je regardai de nouveau, mais ils n'etaient plus
la.
Bientot apres j'entendis le pas trainant de l'oncle Jeremie et le
pas ferme et lourd du secretaire, quand ils remonterent l'escalier
qui menait a leurs chambres a coucher, situees a l'etage
superieur.
Chapitre IV
John Thurston ne fut jamais grand observateur et je crois que j'en
savais plus long que lui sur ce qui se passait a Dunkelthwaite, au
bout de trois jours passes sous le toit de son oncle.
Mon ami etait passionnement epris de chimie et coulait des jours
heureux au milieu de ses eprouvettes, de ses solutions,
parfaitement content d'avoir a portee un compagnon sympathique,
auquel il put faire part de ses trouvailles.
Quant a moi, j'eus toujours un faible pour l'etude et l'analyse de
la nature humaine, et je trouvais bien des sujets interessants
dans le microcosme ou je vivais.
Bref, je m'absorbai dans mes observations au point de me faire
craindre qu'elles n'aient cause beaucoup de tort a mes etudes.
Ma premiere decouve
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