s en plus energique, devint une melodie fougueuse,
qui finit par s'attenuer et s'eteindre en un bruit desordonne
comme au debut.
Puis, nous entendimes le piano se refermer, et la musique cessa.
-- Elle fait ainsi tous les soirs, remarqua mon ami. C'est quelque
souvenir de l'Inde, a ce que je suppose. Pittoresque, ne trouvez-
vous pas? Maintenant ne vous attardez pas ici plus longtemps que
vous ne voudriez. Votre chambre est prete, des que vous voudrez
vous mettre au travail.
Je pris mon compagnon au mot, et le laissai avec son oncle et
Copperthorne qui etaient revenus dans la piece.
Je montai chez moi et etudiai pendant deux heures la legislation
medicale.
Je me figurais que ce jour-la je ne verrais plus aucun des
habitants de Dunkelthwaite, mais je me trompais, car vers dix
heures l'oncle Jeremie montra sa petite tete rougeaude dans la
chambre:
-- Etes-vous bien loge a votre aise? demanda-t-il.
-- Tout est pour le mieux, je vous remercie, repondis-je.
-- Tenez bon. Serez sur de reussir, dit-il en son langage
sautillant. Bonne nuit.
-- Bonne nuit, repondis-je.
-- Bonne nuit, dit une autre voix venant du corridor.
Je m'avancai pour voir, et j'apercus la haute silhouette du
secretaire qui glissait a la suite du vieillard comme une ombre
noire et demesuree.
Je retournai a mon bureau et travaillai encore une heure.
Puis je me couchai, et je fus quelque temps avant de m'endormir,
en songeant a la singuliere maisonnee dont j'allais faire partie.
Chapitre III
Le lendemain je fus sur pied de bonne heure et me rendis sur la
pelouse, ou je trouvai miss Warrender occupee a cueillir des
primeveres, dont elle faisait un petit bouquet pour orner la table
au dejeuner.
Je fus pres d'elle avant qu'elle me vit et ne pus m'empecher
d'admirer sa beaute et sa souplesse pendant qu'elle se baissait
pour cueillir les fleurs.
Il y avait dans le moindre de ses mouvements une grace feline que
je ne me rappelais avoir vue chez aucune femme.
Je me ressouvins des paroles de Thurston au sujet de l'impression
qu'elle avait produite sur le secretaire, et je n'en fus plus
surpris.
En entendant mon pas, elle se redressa, et tourna vers moi sa
belle et sombre figure.
-- Bonjour, miss Warrender, dis-je. Vous etes matinale comme moi.
-- Oui, repondit-elle, j'ai toujours eu l'habitude de me lever
avec le jour.
-- Quel tableau etrange et sauvage! remarquai-je en promenant mon
regard sur la vaste etendue
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