verite. Cela arrive tous les jours,
comme des avalanches, de tous les coins du monde; et il y a si peu
de choses lisibles pour mes pauvres yeux, calligraphiquement et
intellectuellement parlant! Pour m'achever, votre ami ecrit comme pour
un myope, et je suis presbyte.
Faites des vers, vous, a la bonne heure. Je ne peux pas aimer ceux de
tout le monde, et c'est un peu votre faute.
Bonsoir, mon cher enfant. Embrassez pour moi Desiree et Solange, comme
je vous embrasse, de tout mon coeur maternel.
CCCLXXVIII
A M. VICTOR BORIE, A PARIS
Nohant, 31 juillet 1854.
Mon pauvre gros,
Es-tu de retour de ton triste voyage? As-tu de meilleures esperances
pour ton pauvre vieux pere? As-tu rapporte un peu de tranquillite, ou
encore plus de chagrin? Ta sante est-elle moins detraquee apres tout
cela?
Ta lettre nous a bien attristes et nous te le disons tous, comme nous
faisons des voeux tous pour toi, et pour une existence moins accablee et
moins eprouvee. Il ne faut pourtant pas voir en noir comme tu fais.
Le depart des chers vieux parents, qui vont, comme tu dis, au repos
eternel, est une loi de la nature; et, quant a toi qui es jeune et qui
as le devoir d'etre courageux, tu n'as pas le droit de desesperer de
Dieu et des hommes. Pense que tu as des amis, mon cher vieux, et qu'un
temps viendra ou, plus libre et mieux portant, tu seras content de les
retrouver et de te retrouver toi-meme en possession d'une vie plus
heureuse.
Nous avons bien du regret de ne t'avoir pas pu arreter un moment dans ta
route. Ecris-nous; nous sommes impatients tous d'avoir de tes nouvelles.
G. SAND.
CCCLXXIX
A M. CHARLES PONCY, A TOULON
Nohant, 11 aout 1854,
Mon cher enfant, je vous remercie de m'ecrire, et je vous ecris aussi,
bien que ce ne soit qu'un mot, pour que vous ne soyez pas inquiet
de nous: Nous avons aussi le voisinage du cholera. Il sevit assez
serieusement a Chateauroux. Peut-etre ne viendra-t-il pas jusqu'ici. Il
ne faudrait pourtant pas trop s'y fier; mais je n'en suis pas frappee
et effrayee comme vous l'etes, et permettez-moi de vous dire qu'il faut
combattre un peu cette preoccupation qui pourrait etre nuisible, si
vous etiez atteint meme d'un leger mal. Tant d'autres dangers roulent
incessamment sur nos tetes, qu'un de plus ne devrait pas assumer sur lui
nos angoisses. Je suis bien d'avis qu'il faut s'y soustraire autant
que pos
|