de verite, au milieu de
l'enivrement du pouvoir.
Acceptez, quoi qu'on vous dise; car il est des gens qui vous crieront
de refuser, j'en suis sure. Vous serez force, d'ailleurs! La prison ne
reprend pas les victimes volontaires. Mais va-t-on vous conseiller
de quitter la France? Non, ne le faites pas. Vous etes libre sans
conditions, cela est dit officiellement. Je ne pense pas qu'il y ait une
porte de derriere pour vous exiler apres cette parole?
Restez donc en France, si les pouvoirs de second ordre ne vous chassent
pas. Ils ne l'oseront pas, j'espere.
Restez avec nous; on s'amoindrit a l'etranger, on voit faux, on
s'aigrit; on arrive, par nostalgie, a maudire la patrie ingrate, et,
par la, on devient ingrat soi-meme. Venez a nous qui avons soif de vous
voir; rappelez-vous ce reve doux et dechirant que je faisais encore,
pendant que vous etiez en jugement a Bourges: je vous appelais a Nohant,
je voulais vous y garder longtemps, refaire votre sante ebranlee, et
vous demander de me donner, a moi, cette sante morale qui ne vous a
jamais abandonne. Venez, venez! dans huit ou dix jours, je serai a Paris
pour une quinzaine, et je veux, de la, vous ramener a Nohant. Je vous y
verrai, n'est-ce pas, tout de suite, a Paris? Ecrivez-moi un mot, que je
sache ou vous etes. Moi, je demeure rue Racine, 3, pres l'Odeon.
Il y aura des miserables, peut-etre, qui diront que vous avez fait
agir pour obtenir votre liberte. Oui, il y a, en tout temps, des
calomniateurs, des laches qui haissent par instinct la candeur et la
vertu. J'espere que vous n'allez pas vous occuper de cette fange. Moi,
je me tiens sur la breche pour cracher dessus; j'ai une lettre, une
derniere lettre de vous, ou vous me dites ce qu'il y a dans celle que
l'empereur a lue. Je l'ai baisee avec respect, cette lettre qui
me confirmait dans mon sentiment intime et profond de la patrie.
Gardons-le, ce sentiment; defendons-le contre la hideuse joie d'une
_partie_ de notre _parti_. Rappelons-nous que l'on a tue la Republique
en disant: "_Tout!_ les Cosaques meme, plutot que le socialisme!"
Affrontons avec courage ceux qui disent aujourd'hui: "_Tout!_ les
Cosaques memes, plutot que l'Empire." Et, si l'on nous dit que nous
trahissons notre foi, tenez, rions-en, il n'y a pas autre chose a
faire!--Mais, si vous ne pouvez pas en rire, vous dont le noble coeur a
tant saigne, acceptez ceci comme un martyre de plus. Dieu vous rendra un
jour la justice que vous refusent les
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